Toulouse et Albi, les deux villes roses

Toulouse et Albi, les deux villes roses

Par Nathalie De Grandmont

Crédit photo: iStockphoto.com

Comme l’annonce si bien son surnom de ville rose, Toulouse a vraiment tout ce qu’il faut pour nous faire voir la vie en rose. Son beau teint de pêche, elle le doit au lit de la Garonne qui la traverse. C’est en effet ce fleuve qui a fourni les nombreuses briques rosées qui dominent la ville et s’embrasent au coucher du soleil. Avec deux mers (Atlantique et Méditerranée) à moins de quelques heures, le développement de Toulouse n’étonne pas. Ni qu’elle soit devenue la troisième ville universitaire de France. Un tel titre se traduit par un centre-ville grouillant et des berges qui ont été réaménagées pour accueillir les piétons, les cyclistes, des bateaux de croisière qui rejoignent le canal du Midi et, également, plusieurs bars sympathiques. 

Depuis quelques années, Toulouse fait parler d’elle dans les magazines pour sa gaieté et sa qualité de vie, mais aussi pour la vigueur de son industrie aéronautique (qu’on peut découvrir en visitant l’usine Airbus ainsi que la Cité de l’espace). Et que dire de sa réputation de gastronomie que lui ont gagnée plusieurs chefs étoilés (au Michelin), heureux de perpétuer ou de réinventer ses grands classiques? Cassoulet, porc noir gascon, confit de canard, foie gras, ail rosé et truffes, nougats, bonbons à la violette et tant d’autres spécialités appétissantes qu’on arrose souvent des vins voisins du Cahors et du Gaillac, rien de moins.

Le passé riche et fascinant de Toulouse

Voilà qui suffirait déjà à mettre la table pour un séjour bien agréable... Comble de chance, Toulouse possède également un passé riche et fascinant qui a laissé des empreintes bien visibles. Ainsi, plusieurs belles maisons à colombages bordent encore les rues de sa vieille ville, dont les noms – rue des Filatiers, rue des Carmes, rue des Couteliers, etc. – évoquent leurs vocations médiévales. Au milieu d’elles surgit le clocher de la basilique Saint-Sernin, la plus grande église romane de l’Occident, qui constituait l’une des étapes cruciales du pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne. L’immense nef et les nombreuses reliques de saint Saturnin (ainsi que s’appelait d’abord Sernin) laissent entrevoir toute la ferveur que suscitait autrefois la légende de ce premier évêque de Toulouse, un martyr qui aurait été tiré par un taureau dans la rue pour ne pas avoir voulu se prosterner devant des statues païennes. 

Un peu plus loin, l’église et le cloître des Jacobins nous rappellent que c’est également à Toulouse que culmina la ferveur des cathares, au début du XIIIe siècle. Ces dissidents chrétiens très rigoureux étaient devenus particulièrement nombreux et puissants à Toulouse et à Albi, où ils avaient même gagné les classes bourgeoises. Le pape et le roi de France (qui ne régnait pas sur Toulouse à l’époque) réagiront avec force. On organisera des croisades contre les Albigeois, et les Jacobins (qu’on appelle aussi Dominicains), contribueront à contrer ce mouvement par leurs prêches. Voilà pourquoi on ressent une ambiance toute spéciale dans cette église des Jacobins, qui impressionne par son mysticisme, ses couleurs et les dimensions gigantesques de sa voûte (avec son chef-d’oeuvre dit «le palmier» au sommet de ses hauts piliers).

Autre symbole de l’originalité toulousaine: le Capitole qui, abritant aujourd’hui l’hôtel de ville et un théâtre, domine la plus grande place de Toulouse. Eh oui, dès le milieu du XIIe siècle, cette fière méridionale était administrée par une assemblée de consuls – ou «capitouls» – qui veillaient à lui préserver ses pouvoirs. Même en rejoignant le royaume de France (au XIIIe siècle), Toulouse conserva ses « capitouls » jusqu’à la Révolution française, comme on peut le découvrir en visitant (gratuitement) les grandes salles d’apparat du Capitole. Aujourd’hui, Toulouse revendique son appartenance à l’Occitanie, comme en font foi tous les panneaux de rue bilingues et la croix occitane qui orne la place du Capitole. 

Pastel et indigo

N’étant pas à un paradoxe près, la ville rose connaîtra son âge d’or grâce au bleu… le bleu éclatant que l’on tirait de la plante du pastel. De 1463 à 1560, des milliers de boules de pastel (surnommées ici «cocagnes», à l’origine de l’expression « pays de cocagne ») transitaient par Toulouse et Albi pour rejoindre tous les grands ports d’Europe. Des fortunes colossales s’établirent en quelques années, car les marchands pastelliers étaient des financiers, quand ils ne siégeaient pas également au Capitole. Leur richesse leur a permis d’édifier à la Renaissance des demeures de prestige et une panoplie de beaux hôtels particuliers, tels que l’hôtel d’Assézat et l’hôtel de Bernuy. 

L’âge d’or du pastel à Toulouse a pris fin avec l’arrivée de l’indigo, moins onéreux et plus facile à manipuler. Heureusement, deux entreprises toulousaines ont récemment entrepris de remettre cette matière à l’avant-scène: la Fleurée du Pastel, qui l’utilise à nouveau pour teindre des textiles, et Graine de Pastel (sur la place Saint-Étienne), qui a créé toute une gamme de crèmes anti-âge et autres produits cosmétiques à partir de l’huile de pastel. Cette plante de la région toulousaine vit donc une véritable renaissance, alors qu’on lui reconnaît aussi des vertus cicatrisantes et nutritives. Comme le pastel redevient une fierté régionale, l’Office de tourisme propose régulièrement des visites guidées où l’on découvre l’héritage légué par le pastel ainsi que les principales entreprises qui lui ont redonné ses lettres de noblesse. 

Albi: du pourpre au rouge passion

Toulouse a beaucoup en commun avec sa voisine, Albi, située à une centaine de kilomètres au nord-est. Ici aussi, le soleil du Midi, les briques et les toits de tuiles donnent à la ville une couleur rosée, presque rouge, à laquelle s’ajoute une petite allure toscane grâce à de charmants ponts enjambant le Tarn. S’il avait vécu au Moyen Âge, le peintre Henri de Toulouse-Lautrec, né ici, aurait certainement fréquenté les rues du vieil Albi, notamment l’ancien quartier des «trottes garces» (près de l’actuel marché couvert). Au XIVe siècle, pendant le carême, le puissant évêque d’Albi ordonnait qu’on barricade les maisons de ces filles de joie, ce qui donna naissance à l’expression «maisons closes». 

Non loin de là, de belles maisons à colombages bordent encore la rue Mariès, l’ancienne voie royale. Parmi elles, on remarque de superbes hôtels particuliers de la Renaissance, financés par l’or bleu des pastelliers. Mais celle qu’on appelle «la ville pourpre» a surtout été marquée par ses évêques, comme en témoigne l’imposante cathédrale Sainte-Cécile. À l’époque, la construction et l’air de forteresse de l’église se voulaient une réaction directe à l’hérésie cathare. Les meilleurs artistes italiens de l’heure ont recouvert de fresques et de statues tous ses murs, jusqu’au dernier centimètre ou presque! 

Le patrimoine unique d'Albi

Dès le Moyen Âge, grâce aux nombreuses taxes qu’ils imposaient sur les marchandises, les évêques d’Albi avaient acquis l’une des plus grandes fortunes de France. Ils s’étaient emmurés dans leur propre cité fortifiée, y faisant construire des palais, puis des résidences et des commerces destinés à leurs plus proches collaborateurs. Au fil des agrandissements successifs, cette cité épiscopale est devenue la plus grande d’Europe après celle d’Avignon. 

Ce patrimoine unique est maintenant reconnu par l’Unesco. Les évêques habitaient, bien sûr, le palais de la Berbie, le plus beau de tous. C’est aujourd’hui un musée où sont rassemblées nombre d’oeuvres de Toulouse-Lautrec, dessins, peintures, affiches, ainsi que plusieurs objets et vêtements lui ayant appartenu. On y admire par exemple les 31 affiches qui l’ont rendu célèbre, ainsi que plusieurs oeuvres de jeunesse. 

Les premières salles nous montrent la genèse de son talent, son handicap à la suite de chutes de cheval, puis son abandon de la vie bourgeoise des comtes de Toulouse-Lautrec au profit d’une vie nomade dans les maisons closes et les cabarets de Montmartre. Au fil des salles, on comprend de mieux en mieux l’humour, le sens de l’autodérision et la fascination du peintre pour la fête et les excès des années folles... Ironiquement, certaines de ses affiches les plus coquines se trouvent à quelques mètres seulement d’anciennes salles dites de l’évêque... Derrière le musée, une terrasse surplombe les jardins du palais, le Tarn, le pont Vieux (datant du Moyen Âge) et les anciens quartiers ouvriers de la rive voisine. 

La campagne entre Toulouse et Albi

Bien sûr, la campagne entre Toulouse et Albi ne manque pas de charme non plus, d’autant qu’elle a été témoin d’un chapitre historique qui a marqué l’imaginaire et le paysage... En effet, au début du XIIIe siècle, toute cette région s’est retrouvée au coeur des croisades contre les cathares. Pour se protéger, les cathares devaient se faire construire des villes fortifiées (aussi nommées «bastides») perchées dans des lieux difficiles d’accès. Aujourd’hui, plusieurs de ces bastides médiévales donnent beaucoup de charme et de caractère à la campagne albigeoise, la plus belle étant probablement Cordes-sur-Ciel, fondée par un comte de Toulouse en 1222. Dès qu’on franchit ses portes, des enseignes de cordonnier nous replongent à l’époque où Cordes prospérait grâce au commerce du cuir et des draps, ce qui explique aussi la présence de demeures luxueuses et de palais gothiques le long de ses ruelles étroites. 

Des demeures sur lesquelles on remarque des sculptures de dragons, d’animaux et de personnages étranges, preuves des langages codés qu’utilisaient les cathares à l’époque. Depuis plusieurs décennies, Cordes inspire un grand nombre d’artistes, à la suite d’une histoire d’amour amorcée par Paul Belmondo (le père de Jean- Paul) dans les années 1940. De nombreux Français lui donnent raison, puisque Cordes-sur-Ciel a récemment été élu le «plus beau village de France». Le village porte encore à merveille son joli nom, puisqu’il semble littéralement flotter au milieu des nuages. Une scène magique à bien des égards... 

Avec ses anciennes cités cathares et les vignobles du Gaillac qui s’étirent à leurs pieds, la campagne du pays d’Oc offre de riches balades qui complètent on ne peut mieux la découverte des trésors artistiques d’Albi et de Toulouse.

Découvrir le canal du Midi

Cette région possède un autre joyau classé au patrimoine mondial de l’Unesco : le canal du Midi, de même que les bassins et le système d’alimentation du canal, qui se trouvent à Saint-Ferréol, à 60 kilomètres au sud-est de Toulouse. Outre le lac Saint-Ferréol, on peut visiter ce qu’on appelle le Musée et Jardins du canal du Midi. Le lieu est particulièrement intéressant pour ceux qui souhaitent connaître l’ampleur de ce projet ingénieux qui visait à relier l’Atlantique à la Méditerranée. Aujourd’hui, on peut difficilement imaginer comment les 241 kilomètres de ce canal ont pu être creusés par 12 000 ouvriers au XVIIe siècle. Reliant Sète à Toulouse, le canal servait notamment au transport des marchandises et à la poste. 

Après un déclin dû à l’arrivée du chemin de fer, le canal du Midi connaît un véritable renouveau puisqu’il est maintenant sillonné par de nombreuses péniches (dont certaines qu’on peut louer). Le long de ses berges, les anciens chemins de halage, eux, font le bonheur des cyclistes et des promeneurs. À Toulouse, le canal du Midi rejoint le canal de la Garonne, qui, lui, rejoint l’estuaire de la Gironde. La combinaison des deux forme ce qu’on appelle le «canal des Deux Mers», qui concrétise précisément le rêve que formulaient les ingénieurs au XVIIe siècle. (www.museecanaldumidi.fr)

Informations pratiques

S’Y RENDRE 

De mai à octobre, Air Transat effectue deux vols directs hebdomadaires entre Montréal et Toulouse; il est possible de revenir par une autre ville, par exemple Barcelone, Lyon ou Paris. S’ajoutent aussi des forfaits ville à Toulouse (incluant vol, transferts et 7 nuits d’hébergement), de même qu’un circuit de 7 jours combinant Toulouse, Albi et Carcassonne, entre autres. www.vacancestransat.com 

SUGGESTIONS D’HÉBERGEMENT 

  • L’Hôtel Mercure Toulouse Wilson, 7, rue Labéda. Chambres modernes, bien équipées, et emplacement idéal à côté de la place Wilson. www.mercure.com 
  • Mercure Albi, 41 bis, rue Porta. Situé dans les anciens moulins, sur le bord du Tarn. Vue superbe de la terrasse et de certaines chambres. www.lemoulin-albi.fr 

BONNES ADRESSES 

  • Capucin signé Bras: Les «capucins» (du chef étoilé Michel Bras) ressemblent à des crêpes garnies de truffes, fromages fins, et autres produits régionaux. 6, rue du Rempart-Villeneuve, Toulouse (à côté du marché Victor-Hugo). www.capucinbras.fr 
  • Le J’Go: Un restaurant convivial pour goûter charcuteries, saucisses et pâtés de la région, gigots d’agneau, confits de canard, etc. 16, place Victor-Hugo, Toulouse. www.lejgo.com 
  • Pâtisserie Sandyan : Ses «perles» au chocolat, ses éclairs ou ses «oeufs coque» (mangue et crème brûlée) ressemblent à des oeuvres d’art. 54 bis, rue d’Alsace- Lorraine, Toulouse. www.sandyan.fr 
  • No 5 Wine Bar: Ce bar à vins moderne permet de goûter une foule de grands crus en petites quantités, avec fromages ou charcuteries de la région. 5, rue de la Bourse, Toulouse. www.n5winebar.com
  •  La Maison de la Violette: Occupant une péniche sur le canal du Midi, cette boutique-salon de thé propose cosmétiques, thés, bonbons et autres produits à la violette, emblème de la ville. Face au 3, boulevard  Bonrepos, Toulouse. www.lamaisondelaviolette.com 
  • Pour déguster du bon Gaillac: Le Domaine d’Escausse, à Sainte-Croix, à 13 km d’Albi. 

INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES 

www.toulouse-tourisme.com, www.tourisme-tarn.com, www.tourisme-midi-pyrenees.com


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