Hormonothérapie classique ou bio-identique?

Hormonothérapie classique ou bio-identique?

Par Isabelle Bergeron

Crédit photo: iStock

L’hormonothérapie est de retour sous les projecteurs, notamment grâce au documentaire de Véronique Cloutier, Loto-Méno, qui met en lumière les hormones bio-identiques. Entre l'hormonothérapie classique et la bio-identique, qu'en est-il vraiment? 

Si les experts posent ici un regard sur les deux types d'hormonothérapie, un rembousement des hormones bio-identiques changerait fort probablement la donne. Il est d'ailleurs possible de signer une pétition lancée par la Dre Sylvie Demers pour faire pression et obtenir le remboursement de l'hormonothérapie bio-identique, jugée plus sécuritaire. 

Bouffées de chaleur, insomnie, sécheresse vaginale, sautes d’humeur... Autant de manifestations de la ménopause et de la préménopause que l’hormonothérapie atténue ou fait même disparaître. Au Canada, on utilise dans ce but des oestrogènes conjugués équins, extraits de l’urine de juments enceintes, sous forme de pilules, souvent conjugués avec de l’acétate de médroxy-progestérone, un dérivé de la progestérone appelé Provera.

Ces hormones de substitution ont fait l’objet de nombreuses recherches. Celle de la Women Health Initiative (WHI), au début des années 2000, aux États-Unis, a été la plus vaste réalisée sur ce traitement. En 2002, toutefois, cette étude expérimentale a été interrompue quand on s’est rendu compte que le risque de cancer du sein, d’accidents cardiovasculaires et de caillots sanguins augmentait chez les femmes sous traitement. Des instances du domaine de la santé ont alors immédiatement recommandé l’arrêt de la prise de ces hormones. Et plusieurs femmes ont alors choisi d’endurer les symptômes dont elles souffraient plutôt que de courir tous ces risques... 

 

L'hormonothérapie classique

Un choix logique à l’époque, sauf que ce tableau très sombre a rapidement été nuancé. Certains scientifiques ont ainsi décelé de nombreuses irrégularités dans l’étude de la WHI, tandis que d’autres ont rappelé que les risques de l’hormonothérapie demeuraient minimes et contrôlables. La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada considère d’ailleurs que l’hormonothérapie est tout à fait indiquée pour les femmes aux symptômes importants sur une période donnée (5 ans). Les risques accrus de développer un cancer du sein ou des ovaires, des caillots sanguins ou une maladie cardiovasculaire s’appliqueraient surtout aux patientes ayant déjà certaines prédispositions ou sous hormonothérapie pendant plus de 10 ans. Mais là encore, il n’y a aucune certitude: il existe autant d’études qui disent bleu que d’autres disant noir, blanc, jaune ou rouge! 

«Je n’en reviens pas du nombre d’études contradictoires qui existent au sujet de l’hormonothérapie, déplore la Dre Michèle Moreau, médecin spécialisée en santé des femmes. Qu’on se rassure, toutefois: comme l’attestent plusieurs recherches, les hormones de substitution ont fait leurs preuves. Elles sont réellement efficaces pour contrer les symptômes de la ménopause, symptômes qui ont d’ailleurs souvent disparu au bout de cinq ans de traitement.» 

 

L'hormonothérapie bio-identique

Depuis quelque temps, il est aussi beaucoup question des hormones bio-identiques. Ces hormones synthétiques possèdent la même structure moléculaire que celles produites naturellement par les femmes. «Dans l’hormonothérapie féminine bio-identique, nous prescrivons principalement de l’estradiol-17β, le principal oestrogène généré par les femmes, sous forme de gel ou de timbre, associé à de la progestérone», explique la Dre Sylvie Demers, spécialisée en médecine familiale et fondatrice du Centre ménopause-andropause Outaouais. 

Depuis plusieurs années déjà, cette experte étudie les hormones féminines (elle est d’ailleurs aussi l’auteure de Hormones au féminin: repensez votre santé, aux Éditions de l’Homme), ce qui l’a conduite à favoriser l’hormonothérapie bio-identique. «Peu de femmes le savent, mais on a observé une diminution de 30% des risques de mortalité chez celles qui débutent l’hormonothérapie classique avant 60 ans. On constate même une diminution des cancers du sein et des infarctus quand les oestrogènes conjugués équins sont pris sans acétate de médroxyprogestérone.

En fait, le seul danger observé avec les oestrogènes équins est l’augmentation du risque de caillots dans le sang, aussi notée avec la prise de contraceptifs oraux combinés.» Un risque inutile, selon la Dre Demers, puisque les hormones bio-identiques existent. Elles sont disponibles au Québec depuis une vingtaine d’années, mais les médecins sont encore peu nombreux à les offrir. «C’est surtout par méconnaissance», affirme la spécialiste.

La Dre Michèle Moreau ne met aucunement en doute l’efficacité des hormones bio-identiques, mais elle n’y voit par contre pas d’atouts supplémentaires, sauf dans des situations particulières. «La voie transdermique peut s’avérer préférable si une femme a déjà fait une phlébite ou si son taux de triglycérides se révèle très élevé, par exemple. Mais, excepté dans certains cas de ce type, je ne prescrirais pas à mes patientes des hormones pour lesquelles elles devraient payer environ 80$ par mois, ces dernières n’étant pas couvertes par la RAMQ.» Par ailleurs, contrairement aux oestrogènes conjugués équins disponibles en doses préétablies (0,625 mg en dosage de base), l’estradiol doit être dosé selon le taux hormonal de chaque femme. Des spécialistes adeptes de l’hormonothérapie bio-identique y voient un avantage. 

La Dre Moreau considère pour sa part qu’il ne s’agit pas du tout d’un plus. «Les tests que font passer certains médecins aux femmes pour connaître leur niveau d’oestrogènes coûtent cher, mais surtout, ils sont inutiles puisque les dosages d’hormonothérapie ayant un effet bénéfique à court et long terme ont été bien établis.» 

Cela dit, les bienfaits de l’hormonothérapie, classique ou bio-identique, sont incontestables. Pour atténuer ou enrayer les symptômes de la préménopause et de la ménopause, mais aussi pour traiter les symptômes prémenstruels sévères, la dépression et d’autres problématiques particulières. L’hormonothérapie contribue également à la prévention de l’ostéoporose. Quel que soit notre choix, l’important est donc d’en discuter avec notre médecin, puis d’obtenir un suivi régulier avant, pendant et après le traitement d’hormonothérapie.

 

À ne pas confondre

Des préparations magistrales d’oestrogènes bio-identiques sous forme de crème sont aussi proposées en vente libre, mais la prudence reste de mise avec ces produits sans ordonnance: aucune étude scientifique n’a établi leur efficacité à ce jour, et la plupart des médecins les déconseillent.

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