Et si le cholestérol n’était pas mauvais?

Et si le cholestérol n’était pas mauvais?

Par Jacqueline Simoneau

Crédit photo: iStock Photo

L’idée que le cholestérol est l’ennemi à abattre pour éloigner les maladies cardiovasculaires a si bien fait son chemin qu’on traque ce type de gras partout. Pour beaucoup, afficher un faible taux de cholestérol est un objectif santé. Or, selon de nombreux spécialistes, le cholestérol ne s’avérerait finalement pas aussi néfaste qu’on croit, et les statines, cette classe de médicaments conçue pour abaisser le taux de cholestérol sanguin, seraient surutilisées. Une véritable polémique dans le monde médical! Pour y voir clair, voici l’avis de nos experts sur cinq affirmations. 

1 Le cholestérol n’est pas si terrible.  

Le cholestérol est essentiel au maintien d’une bonne santé. Et bien que médecins et scientifiques s’accordent pour dire qu’un taux élevé de LDL (le mauvais cholestérol) représente un risque accru de maladies cardiovasculaires, il n’est pas le seul responsable de ces dernières, loin de là. Des facteurs liés au mode de vie se révèlent souvent plus dommageables: le tabac, l’obésité (surtout abdominale), la sédentarité, l’hypertension et le diabète. 

«Le cholestérol n’est qu’un facteur parmi d’autres, soutient le Dr Martin Juneau, cardiologue et directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal. Pour évaluer le risque d’un individu, il faut tenir compte de l’ensemble des facteurs, et non pas uniquement du taux de cholestérol. Par exemple, une personne qui affiche un taux légèrement ou modérément élevé de cholestérol, mais qui priorise un régime méditerranéen riche en grains entiers, poissons, légumineuses, noix, huile d’olive, fruits et légumes, un poids santé et une vie active et sans tabac, ne m’inquiétera pas outre mesure, contrairement à quelqu’un avec un faible taux de cholestérol, mais qui persiste dans ses mauvaises habitudes. Ce qui a un impact réel sur le risque de maladies cardiovasculaires, c’est l’abandon du tabac, une alimentation prévenant le surpoids et la pratique régulière d’activité physique. En prévention primaire, ces actions sont beaucoup plus efficaces qu’une médication. La grande majorité des gens susceptibles d’avoir une crise cardiaque pourraient l’éviter s’ils modifiaient leur mode de vie.»  

2 Le cholestérol n’est pas l’ennemi des 40 ans et plus.  

Le risque de maladies cardiovasculaires est plus élevé chez les hommes après la quarantaine et chez les femmes après la ménopause. Résultat: les autorités sanitaires de certains pays, dont les États-Unis, recommandent dans leurs directives de prendre des statines en prévention. Mais, selon le Dr Jean Bergeron, lipidologue, chef du service de lipidologie du département de médecine du CHU de Québec et responsable de la clinique lipidique du CHUL, un risque strictement basé sur l’âge, même avec un cholestérol légèrement élevé, n’est pas un motif suffisant pour les prescrire dans un objectif de prévention: en l’absence d’autres facteurs de risque, la menace d’accidents cardiovasculaires est relativement faible.  

3 Les statines sont surutilisées. 

Les statines étant les médicaments les plus vendus à travers le monde, elles représentent un marché fort lucratif pour l’industrie pharmaceutique. Or, de plus en plus de professionnels de la santé remettent en question le bien-fondé d’en prescrire autant. Soyons clairs: les statines sont bénéfiques sans l’ombre d’un doute en prévention secondaire, c’est-à-dire chez les personnes ayant déjà fait un infarctus ou un AVC. Elles réduisent le risque d’un nouvel épisode. Selon le Dr Jean Bergeron, elles sont aussi utiles pour d’autres groupes clairement à risque, dont les gens atteints de diabète de type 2, de maladie rénale chronique ou d’hypercholestérolémie familiale génétique. 

Le débat concerne plutôt la prescription de statines en prévention primaire. Autrement dit, avant même que survienne un accident cardiovasculaire, quand les gens ne sont pas malades, mais présentent un risque légèrement ou modérément élevé. «Il n’y a généralement pas d’urgence à prescrire des statines, rappelle le Dr Bergeron. Le risque doit être justifié. Cela dit, il se prescrit certainement trop de statines en prévention primaire. C’est la solution facile pour traiter les gens à faible ou à moyen risque. En effet, il est plus simple de prescrire une pilule plutôt que de coacher les patients sur la mise en place de saines habitudes pour réduire les risques. La brièveté des rencontres médicales et l’absence d’une équipe de professionnels pour seconder les médecins expliquent en partie la situation. Autre dilemme: que fait-on quand un patient refuse de modifier son mode de vie ou n’est pas en mesure de réduire suffisamment ses risques? Ne vaut-il pas mieux le protéger en le traitant?» 

Depuis plusieurs années, le Dr Juneau s’insurge contre le réflexe qu’ont certains médecins de prescrire des statines dès que le taux de cholestérol dépasse la norme. «Je ne suis pas contre l’utilisation de statines, au contraire: elles se révèlent fort pertinentes dans certains cas. Mais elles sont clairement surutilisées, notamment chez les gens à faible risque. Bien sûr, elles font baisser rapidement le taux de cholestérol. Mais si la personne ne modifie pas son mode de vie, elle ne sera pas protégée pour autant contre les maladies cardiovasculaires. Les autres facteurs de risque la rattraperont. Sans compter que les statines créent une fausse sécurité: il est démontré que les gens qui en prennent font généralement moins d’efforts pour bien s’alimenter et moins d’activité physique que ceux n’en prenant pas. De plus, les bienfaits des statines en prévention primaire sont plutôt modestes. En chiffre absolu, la baisse du risque d’infarctus représente environ 1 %!»  

Attention, toutefois: on peut certes revoir sa prescription en diminuant certains facteurs de risque, mais on n’interrompt jamais son traitement sans en discuter avant avec son médecin. 

4 Prendre des statines est risqué.  

Tous les médicaments, quels qu’ils soient, comportent des risques. En ce qui concerne les statines, les douleurs musculaires sont les effets le plus souvent rapportés par les utilisateurs. Étonnamment, les gens actifs semblent davantage touchés. «Les compagnies pharmaceutiques affirment que 7 à 8 % des personnes prenant des statines en souffrent, indique le Dr Juneau. Mais, dans ma pratique, c’est plutôt 20 % de mes patients.» 

Par ailleurs, certaines personnes accusent les statines de générer des cancers, d’affecter les facultés mentales ou de provoquer des troubles sexuels. «Je n’y crois pas, affirme le Dr Juneau. Aucune étude sérieuse n’a prouvé ces faits. Par contre, les statines peuvent augmenter légèrement le risque de diabète.»

5 Les jaunes d’œufs sont mauvais.  

Contrairement aux idées reçues, il n’y a aucune raison de bannir les œufs de notre alimentation, d’autant plus qu’ils procurent un bon apport nutritif. En fait, si on est en bonne santé et qu’on ne présente pas de facteurs de risque de maladies cardiovasculaires, on peut manger un œuf par jour sans problème. En revanche, si on est à risque élevé de maladies coronariennes, on limite leur consommation à deux par semaine. 

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