Encore 10 ans avant la retraite! Ouf!

Encore 10 ans avant la retraite! Ouf!

Par Suzanne Décarie

Crédit photo: iStockphoto.com

Pour certains, cela semble bien court. Ils savent déjà qu’ils étireront le plus longtemps possible une carrière qui les comble. Pour d’autres, cela paraît une éternité. Ils peinent, rien qu’à y penser.

C’est ainsi qu’à la mi-cinquantaine Michèle a demandé un congé à traitement différé pour pouvoir continuer d’assumer son rôle de gestionnaire sans se brûler. Essoufflée, elle sentait le besoin de prendre du recul, d’avoir du temps pour elle, pour se ressourcer et, aussi, pour réfléchir à son avenir. Après une pause de six mois, elle est rentrée au bureau heureuse et régénérée, d’autant plus qu’on avait accepté que son horaire passe bientôt à 4 jours par semaine. 

Pour donner une autre allure à sa carrière de consultante, Denise vient, quant à elle, d’achever à 57 ans une formation de coach qui lui permettra d’élargir ses services et sa clientèle.  À 58 ans, Véronique se demande, pour sa part, comment elle réussira à tenir le coup pendant encore 7 ans. Elle se dit désabusée par un emploi qui ne correspond plus à ses valeurs, mais qu’elle n’a pas les moyens de quitter. Son employeur et ses collègues l’apprécient toujours. Mais, raconte-t-elle, d’autres employés déçus deviennent si amers qu’ils polluent l’atmosphère.

Psychologue organisationnelle, auteure et conférencière, Ghislaine Labelle a dû intervenir auprès de quinquagénaires aigris qui nuisaient tant au climat de travail qu’à l’équipe. Refusant tout compromis, ils attendaient que l’organisation s’adapte à leurs besoins. «Quand on est malheureux, 5 ou 10 ans, c’est long! Il faut changer d’emploi ou d’attitude. Sans être complètement satisfait de son poste, on peut choisir de l’aborder avec une certaine ouverture ou plus de légèreté. Bien sûr, il y a des deuils à faire quant aux besoins que le boulot ne peut pas combler. Mais s’ils sont importants, il faut chercher à y répondre autrement.»

Le bilan avant la retraite

On se sent lessivé? «C’est le moment de faire le point, dit Josée Blondin, psychologue organisationnelle, présidente d’InterSources et coauteure de Tomber à la retraite (Éditions Logiques). C’est motivant d’observer tout ce qu’on a accompli, réalisé. Ça nous permet de constater qu’on a déjà relevé des défis, et qu’on est encore capable de le faire. Ça nous connecte à notre potentiel.» On dresse donc le bilan de ses réalisations. On s’attarde à décrire ses tâches en distinguant les plaisantes des rebutantes. On se penche sur ce qu’on attendait de sa carrière, puis sur ce qui nous a d’abord séduit de notre emploi en se demandant si c’est possible de le retrouver. On note tant ses regrets que ses passions et aspirations. On cherche comment on souhaite maintenant se réaliser. On s’interroge sur ses objectifs personnels et sur ses moyens financiers.

Josée Blondin rappelle qu’une retraite se prépare à long terme et suggère d’entrevoir déjà, à travers son bilan, les activités qu’on souhaiterait alors pratiquer. «Dès qu’on entame cette réflexion et qu’on développe de nouvelles passions, le travail ne prend plus toute la place et devient, par le fait même, moins lourd.»

Du temps pour soi

Ce bilan aide donc à voir clair et à mieux organiser la suite des choses. On réalisera peut-être qu’on a surtout besoin d’un peu de temps pour soi. Après en avoir discuté avec son conjoint ou sa conjointe, si conjoint il y a, et si nos finances le permettent, on demandera une réduction d’horaire à son employeur.

«Pour ne pas le prendre au dépourvu, on lui propose déjà des solutions en lui disant, par exemple, que telles personnes pourraient se partager le reste de nos tâches», suggère Josée Blondin. Le simple fait d’être un peu plus libre chaque semaine permet de mieux respirer.

De nouveaux défis à 50 ans?

On comprendra aussi, peut-être, qu’on a vraiment envie de nouveauté, au sein de l’entreprise ou ailleurs. «À cette étape de la vie, le fait d’assurer sa continuité constitue souvent un beau défi, note Josée Blondin. En documentant ses façons de faire, on prépare sa relève, on laisse sa trace, on facilite l’intégration des recrues.» Ghislaine Labelle abonde dans le même sens. «Nos apprentissages, nos compétences, nos réussites peuvent profiter aux autres générations, assure-t-elle. La transmission de nos savoirs apporte un sentiment de dépassement ou d’accomplissement qui contrebalance la perte d’énergie ou de motivation.»

Certaines entreprises qui veulent garder leurs employés expérimentés le savent. Elles n’hésitent pas à leur proposer un rôle de formateur, de coach ou de mentor, à leur offrir de nouveaux mandats, ou à les affecter à des projets spéciaux. Elles misent sur ce que Mustapha Bettache, professeur agrégé au Département des relations industrielles de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval, appelle l’aménagement d’emploi.

«Pour qu’un employé “fatigué” demeure en poste et reste motivé, il faut qu’il y gagne quelque chose. Or en général, plus les travailleurs vieillissent, moins on les implique dans l’entreprise, moins on les invite à participer aux comités et réunions, moins on les forme. Plusieurs seraient pourtant heureux de bénéficier de formations qui leur permettraient de travailler autrement – qu’on pense seulement à tout ce qui touche la technologie.» Les entreprises qui mettent en place des mesures pour retenir leurs employés sont le plus souvent très contentes des résultats. «C’est gagnant-gagnant: les employés aussi sont satisfaits parce qu’ils ont un nouveau souffle, ils se sentent valorisés, épanouis», remarque le spécialiste.

Combattre la lassitude au travail

Une personne qui a occupé un même poste durant 10 ou 20 ans est lassée, raconte M. Bettache. «Les employeurs doivent organiser une mobilité interne, déplacer les gens, utiliser leurs compétences dans d’autres environnements, avec d’autres collègues. Les travailleurs plus âgés sont sensibles à la reconnaissance. Le fait de se sentir écouté, consulté, d’avoir une rémunération salariale ou symbolique intéressante, ou encore de jouir d’une réduction d’horaire – temps partiel ou partagé –, les incite à rester.»

Notre supérieur ne semble pas remarquer notre lassitude? Devons-nous lui en parler? «C’est à l’employeur de proposer des moyens pour retenir ses employés, estime M. Bettache. Mais on peut prendre l’initiative de le rencontrer pour lui dire qu’on souhaiterait occuper un autre poste ou avoir d’autres mandats.»

Évidemment, il est plus facile d’entrevoir une discussion dans un contexte de pénurie de personnel que lorsque règne l’austérité et sévissent les coupes. Doit-on s’y risquer, même lorsqu’on sent la direction fermée à toute suggestion? Mustapha Bettache croit que oui. «On donne alors au patron une occasion de discuter – ce que les dirigeants ne font pas la plupart du temps –, de dresser un bilan, d’entrevoir des avenues. Tous ces éléments participent au développement de carrière qui ne s’arrête pas à 45 ou 50 ans, mais se poursuit jusqu’à la fin. Les cours de préparation à la retraite devraient d’ailleurs être conçus dans une perspective de développement de fin de carrière.»

Ghislaine Labelle pense aussi qu’on a tout intérêt à s’ouvrir à son employeur. «Un employé malheureux apporte moins à son organisation. Alors, soit on en parle, soit on va voir ailleurs, soit on change d’attitude…»

 

S’épanouir ailleurs après 50 ans

«C’est un mythe de penser qu’on ne peut plus changer après 50 ans, poursuit Mme Labelle. J’ai coaché des quinquagénaires qui ont effectué des changements de carrière. Ils n’auraient jamais cru en retirer autant de motivation et d’énergie!»

Et si on n’est pas prêt à renoncer à la sécurité et aux avantages sociaux pour risquer l’aventure? «On se trouve des zones de bonheur et d’épanouissement ailleurs», affirme Josée Blondin. On fait de la place aux aspects de sa vie qu’on a mis de côté pendant des années au profit du travail. On puise sa motivation ou sa satisfaction dans ses loisirs, ses passions, le bénévolat…, qui seront autant de points d’ancrage à la retraite. Stimulants, ces projets personnels apportent une satisfaction qui compense la lassitude du boulot. Et pour éviter de les ajouter à un horaire déjà chargé, on revoit ses priorités. «C’est donc le moment de se demander ce qu’on peut changer, dit Ghislaine Labelle. Qu’est-ce qu’on fait par habitude qu’on pourrait laisser tomber? Quelles obligations non essentielles s’impose-t-on? Peut-on se rapprocher de son lieu de travail pour réduire le temps de transport? Il faut réévaluer ses choix, réaménager sa vie pour gagner du temps.» 

Il n’y a pas de recette miracle pour s’aménager de belles années de fin de carrière. L’exercice exige de la réflexion, du temps, de l’accompagnement. Il faut évaluer ses besoins financiers, son style de vie, ses aspirations… Mais ça vaut la peine, pour la poursuite de la vie. 

Qui consulter?

Un psychologue, un coach en gestion de carrière ou un conseiller en orientation peuvent nous aider à tracer notre bilan de vie, à établir nos priorités, à préciser nos attentes, à mesurer nos acquis et, aussi, à apprivoiser le changement. Pour connaître les fonctions susceptibles de nous intéresser et les défis qu’il est possible de relever au sein de l’entreprise, on se renseigne auprès du service des ressources humaines. «Il faut être habile pour ne pas se mettre l’organisation à dos, avertit Josée Blondin. On se présente en disant qu’on aime ce qu’on fait, mais qu’on souhaiterait analyser d’autres possibilités.» Les syndicats seraient aussi de bons interlocuteurs, selon Mustapha Bettache. «Les conventions collectives comportent des dispositions en matière de formation, de gestion de carrière, de promotion…»

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