Quand une retraite hâtive est impossible

Quand une retraite hâtive est impossible

Par Ronald McKenzie

Crédit photo: iStockphoto.com

Alicia a 51 ans. Célibataire et sans enfants, elle a passé une grande partie de sa vie professionnelle à titre d’adjointe à la direction. Elle a beau être efficace et organisée, les perspectives d’avancement sont limitées. En 2007, son salaire sera de 51 050$. «Heureusement, j’ai un fonds de pension. J’aimerais en profiter pendant que je suis en santé et prendre ma retraite à 55 ans. Est-ce possible?», a-t-elle demandé à Claude Paquin, directeur régional du Groupe Investors à Québec.

L’expert a commencé par évaluer la situation financière d’Alicia. «À première vue, celle-ci semble positive, car elle a peu de dettes.» Alicia a eu la bonne idée d’acheter une petite copropriété il y a 20 ans. Maintenant, l’appartement vaut 140 000$, libre de toute hypothèque. Quant à ses autres actifs, Alicia possède des REER totalisant 72 000$ et des placements non enregistrés de 125 000$.

Son passif consiste en un solde sur un «prêt levier» de 65 071$. «Alicia a contracté un emprunt de 70 000$ il y a 3 ans pour investir dans des fonds communs à l’extérieur de ses REER. Même s’il lui reste un solde à payer, à raison de 499$ par mois, on voit qu’elle a déjà réussi à rentabiliser ses placements.» Tout considéré, l’actif net d’Alicia se chiffre à 271 929$.

À court d’argent en 2030

À court d’argent en 2030

Maintenant, comment Alicia s’en sortira-t-elle si elle décide de tirer sa révérence au marché du travail à 55 ans, soit dans 4 ans? Pour répondre à cette question, Claude Paquin doit aligner quelques données.

  • Les dépenses à la retraite d’Alicia sont estimées à 30 000$ par année (en dollars de 2007). Ses revenus net d’impôt doivent donc équivaloir à au moins ce montant. Elle doit aussi s’assurer que ses revenus seront rajustés à une inflation annuelle de 3%. À sa première année de pleine retraite, en 2012, Alicia aura besoin de 34 778$ pour couvrir ses frais.
  • Alicia veut partir à la retraite sans dettes, ce qui est sage. À cette fin, elle compte utiliser l’argent accumulé dans ses placements hors REER pour effacer le solde du prêt levier, qui sera de 55 500$ dans 4 ans (en début d’année). Une fois cette dette payée, ses placements non enregistrés vaudront 91 054$.

Ces éléments en place, Claude Paquin vérifie les revenus qu’Alicia gagnera au cours de sa première année de pleine retraite, à 56 ans. «Ses besoins seront alors de 34 778$. Elle touchera 29 625$ brut de sa caisse de retraite. Pour combler la différence de 5 153$, elle devra utiliser tous les revenus que ses placements hors REER lui procurent. Mais ça sera insuffisant. Elle devra alors commencer à gruger son capital.» N’oublions pas qu’à 56 ans, Alicia ne sera admissible ni à la rente de retraite du RRQ ni à la Pension de la sécurité de la vieillesse.

Suivant ces hypothèses, le spécialiste établit une projection des revenus et des dépenses d’Alicia jusqu’à 90 ans. Ses conclusions ne sont guère encourageantes. «Alicia manquera d’argent à partir de 2030, lorsqu’elle aura 74 ans.» En effet, en partant tôt à la retraite, elle subira une importante pénalité actuarielle pour ce qui est de son fonds de pension. Même chose pour sa rente de retraite du RRQ, qui ne sera que de 576$ par mois. Afin de joindre les deux bouts, elle devra puiser beaucoup dans ses placements. De plus, elle devra commencer à décaisser ses REER à 66 ans. C’est tôt, lui dit Claude Paquin.

Certes, elle pourrait remédier à la situation en occupant un emploi à temps partiel ou en coupant dans ses dépenses. Mais cela ne l’intéresse pas.

Et à 60 ans?

Et à 60 ans?

Alicia demande donc à Claude Paquin ce qui arriverait si elle quittait son emploi 5 plus tard, à 60 ans. Nous serons alors en 2016. «Les perspectives financières sont nettement meilleures», constate le spécialiste.

D’abord, le solde de son prêt levier aura été réduit à 39 900$. Lorsqu’elle aura acquitté cette dette, ses placements hors REER vaudront près de 145 000$.

Ensuite, la rente de sa caisse de retraite sera de 39 915$ par année, au lieu de 29 625$. La différence est majeure. Elle pourra aussi compter sur les prestations de retraite du RRQ, qui se chiffreront à 8 808$ (ou 734$ par mois). Elle n’aura besoin que de 3 483$ générés par ses placements hors REER pour boucler son budget. La différence demeurera dans son portefeuille et continuera à s’apprécier. «Au cours des deux premières années de pleine retraite, il ne sera pas nécessaire de sortir un sou des placements hors REER. Le premier retrait sera effectué lorsque Alicia aura 63 ans et il ne sera que de 756$ avant impôt», calcule Claude Paquin.

Enfin, Alicia pourra laisser croître son REER sans y toucher jusqu’à ce qu’elle doive le transformer en FERR, une fois ses 71 ans révolus. Elle devra alors commencer à le décaisser. «En reportant son projet de retraite de 5 ans, Alicia consolide sa sécurité financière jusqu’à 90 ans au minimum. En outre, elle pourra laisser un héritage de plus de 250 000$ net après impôt si elle décède à cet âge.»

Certes, ces chiffres sont attrayants. Mais cela signifie qu’Alicia devra demeurer au boulot pendant neuf ans encore. Évidemment, elle n’est pas obligée de rester chez son employeur actuel. Mais si elle quitte, elle perdra des avantages sociaux, bien qu’elle ait des droits acquis dans sa caisse de retraite.

Pas facile de trancher! Voilà pourquoi elle devrait poursuivre ses discussions avec son conseiller. Aux dernières nouvelles, Alicia évaluait encore les options que Claude Paquin lui a présentées. L’exercice est complexe et émotif. Cependant, avec toutes les données en main, Alicia trouvera peut-être un compromis acceptable. Chose certaine, lorsqu’elle prendra une décision, ce sera en toute connaissance de cause.

Nous remercions Nelly Hermitte, pl. fin., pour sa participation à cet article.

Mise à jour: décembre 2008

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