Donner: soutenir des causes

Donner: soutenir des causes

Par Dominique Lamy

Crédit photo: iStock Photo

«Tout homme qui meurt riche meurt déshonoré», disait le philanthrope Andrew Carnegie. Plus récemment, le légendaire investisseur Warren Buffett et le fondateur du réseau social Facebook, Mark Zuckerberg, ont également fait l’apologie du partage de la richesse et de la nécessité de donner, non seulement de son vivant, mais après son décès, également. Qu’en est-il chez nous? Une étude sur les tendances en philanthropie au Québec en 2017, menée par la firme Épisode, apporte un éclairage important sur le sujet: 61 % des Québécois ont fait un don en 2016, versant en moyenne la somme de 252 $, une hausse de 30 $ depuis l’année 2013. Et ce sont les gens de plus de 70 ans qui donnent le plus! Souhaitez-vous contribuer cette année? Voici, étape par étape, notre guide du don efficace.

 

1. Misez sur le cœur avant l’argent

Une démarche s’impose lorsqu’on envisage un don. «Occupez-vous de l’aspect fiscal en dernier, à la fin du processus», affirme Natalie Hotte, expert-conseil, Banque Nationale Gestion privée 1859. Revenez plutôt à l’essentiel de votre réflexion: quel est votre objectif philanthropique? «Évitez de perdre votre intention primaire en mettant la fiscalité à l’avant-plan de ce projet.» L’économie d’impôt résultant d’un don ne demeure… qu’une économie d’impôt. «Vous êtes définitivement moins riches après le don.» Une fois qu’ils comprennent ce principe, plusieurs donateurs potentiels reculent. Donner, c’est donner. Il s’agit d’un geste altruiste, d’une volonté pure, sans attente d’un retour du balancier. Natalie Hotte en est convaincue: «L’impôt n’est qu’un petit bout mathématique de l’équation financière dans son ensemble.»

 

2. Choisissez bien votre cause

Mieux vaut ne pas donner spontanément aux quatre vents. Un peu d’organisation s’impose… Quelle cause souhaitez-vous soutenir? Et pourquoi? Compte tenu des limites de nos moyens financiers, des choix sont nécessaires. «Évitez de saupoudrer vos efforts à gauche et à droite, conseille Natalie Hotte. L’impact de 40 dons différents à 25 $ chacun peut s’avérer moindre qu’un don unique et bien dirigé de 1 000 $.» Vous pourriez donc vous limiter à une ou deux causes, et faire une rotation l’année suivante.

Pour Caroline Bergeron, responsable du programme de Certificat en gestion philanthropique à la Faculté de l’éducation permanente de l’Université de Montréal, il demeure primordial de choisir la cause à soutenir avec son cœur et de prendre une décision éclairée avec sa tête. «Si vous souhaitez vous investir dans cette cause à long terme, sa mission correspond-elle bien à vos valeurs?» Informez-vous aussi sur les impacts du don effectué. «La grande majorité des organismes de bienfaisance sont très bien gérés, poursuit Caroline Bergeron. Pour ne pas perdre leur enregistrement auprès de l’Agence du revenu du Canada (ARC), les administrateurs de l’organisme doivent respecter certaines normes financières et limiter le pourcentage d’argent alloué aux dépenses administratives et associées aux collectes de fonds.»

Le site internet de l’ARC (canada.ca, sous l’onglet «Impôts», puis «Organismes de bienfaisance et dons») se révèle d’ailleurs un bon point de départ pour identifier les organismes de confiance susceptibles de vous intéresser. On y trouve entre autres les déclarations fiscales des œuvres caritatives, la preuve de leur enregistrement, une liste des faits saillants des dernières années et le nom des membres du conseil d’administration. «Un organisme qui n’est pas enregistré auprès de l’ARC ne peut délivrer de reçu d’impôt», rappelle Caroline Bergeron. N’hésitez pas à consulter ensuite le site internet de l’organisme choisi pour en apprendre davantage à son sujet. Le choix ne manque d’ailleurs pas pour les philanthropes souhaitant donner directement aux organismes! 

D’autres possibilités de se montrer généreux existent. Un grand-parent fortuné qui veut laisser sa marque et impliquer la génération suivante pourrait par exemple envisager la mise sur pied d’une fondation privée. Cette dernière recueille des fonds par l’entremise de campagnes de financement ou directement auprès de l’individu fondateur, pour ensuite financer des projets au profit de plusieurs bénéficiaires. «Il s’agit d’une structure légale assez complexe qui nécessite également un enregistrement à l’Agence du revenu du Canada (ARC) et la mise sur pied d’un conseil d’administration, avertit toutefois Natalie Hotte. C’est beaucoup d’ouvrage.»

Les fondations publiques, quant à elles, existent déjà. Leur mandat? Amasser, gérer et redonner des fonds à des organismes de charité, qui partagent ensuite à leur tour le soutien nécessaire à la population. La Fondation du Grand Montréal et la Fondation du CHU Sainte-Justine en sont deux exemples. Un contrat d’entente lie le donateur à la fondation choisie. «Dès que le donateur effectue le don, l’argent ne lui appartient plus. Il devra cependant éventuellement préciser quelle cause il souhaite encourager. L’argent peut aussi demeurer en dormance si le choix n’est pas confirmé, explique Natalie Hotte. L’avantage, c’est que le donateur reçoit son crédit d’impôt et qu’il prend ensuite le temps de choisir la cause à soutenir.»

 

3. Analysez votre situation financière

Vient ensuite le moment de réfléchir à votre situation particulière. L’idée de donner est excellente, encore faut-il en avoir la capacité financière… Quels sont vos revenus actuels? À quel moment prévoyez-vous prendre votre retraite? Y êtes-vous financièrement bien préparé? Votre planification financière a-t-elle été révisée récemment? «Il ne faut pas non plus s’embourber dans un engagement financier trop difficile à respecter», observe Natalie Hotte. Vous pourrez aussi identifier le moyen le plus judicieux de donner: de votre vivant ou à votre décès?

 

Je veux donner de mon vivant

Le moyen le plus facile demeure un don mensuel par prélèvement bancaire ou par carte de crédit. «Les organismes apprécient cette prévisibilité et cette récurrence des revenus», confirme Caroline Bergeron. De toute façon, il n’y a pas vraiment de meilleur moment pour agir, même si «les gens pensent davantage à donner en fin d’année, avant l’arrivée de Noël, ajoute-t-elle. L’automne se veut traditionnellement la période la plus occupée pour la majorité des œuvres de bienfaisance.»

Le don mensuel n’est pas la seule méthode envisageable. Parfois, certaines stratégies permettent de donner davantage sans même sortir son chéquier, comme le don de valeurs inscrites en Bourse. Le transfert direct en biens de titres boursiers bénéficiant d’un fort gain en capital dans le compte de courtage de l’organisme choisi permet l’exonération de l’impôt à payer sur le gain en capital réalisé suite au don, et l’obtention simultanée d’un crédit d’impôt sur la pleine valeur marchande des titres donnés. On fait donc d’une pierre deux coups!

 

Je veux donner à mon décès

Les dons planifiés permettent de continuer d’aider les autres, même après sa mort. La philanthropie demeure néanmoins un outil financier. «Le défunt est réputé avoir disposé de l’ensemble des biens qu’il possédait immédiatement avant son décès et en avoir tiré leur juste valeur marchande», rappelle Caroline Bergeron. Un don planifié permettra de limiter la facture fiscale, puisqu’un crédit d’impôt très intéressant viendra alors s’appliquer à la dernière déclaration de revenus du défunt.

Le don testamentaire demeure l’une des façons les plus simples et les plus accessibles de planifier un don. À même votre testament, vous pourriez léguer 50 000 $ à la Société canadienne du cancer par exemple (legs particuliers) ou opter pour un legs résiduaire. Dans ce second cas, la totalité ou un pourcentage déterminé de ce qui reste de votre succession, après le paiement des dettes et le don des legs particuliers, sera distribué à l’organisme choisi. «N’hésitez pas à consulter tous les professionnels (notaire, comptable, fiscaliste, avocat) nécessaires à la mise sur pied d’un don planifié adapté à votre situation», suggère Caroline Bergeron. Bien qu’il soit possible de léguer votre régime enregistré d’épargne-retraite (REER) par testament, il n’en demeure pas moins que ce dernier pourrait être contesté en cour, et votre don se trouver ainsi annulé. «Les dons importants devraient être intégrés à votre planification fiscale, financière et successorale.»

Plusieurs stratégies basées sur l’assurance vie (la désignation d’un organisme comme bénéficiaire au capital-décès d’une police d’assurance, notamment) sont également disponibles pour conjuguer générosité et fiscalité. La souscription d’un contrat d’assurance vie compensatoire au bénéfice de vos héritiers peut vous donner la possibilité de faire un don important à l’organisme de votre choix. Par le biais de cette stratégie, le donateur achète une assurance vie d’un capital égal au montant du don qu’il souhaite effectuer de son vivant. Le coût de cette protection d’assurance est assumé grâce à l’économie d’impôt réalisée par le don de la somme concernée. Les héritiers sont quant à eux désignés comme étant les bénéficiaires du contrat d’assurance vie et recevront les sommes d’argent non imposables payables sous celui-ci au décès du donateur. Cette stratégie a le mérite de ne pas diminuer les sommes qui auraient autrement été dévolues aux héritiers. 

Pour se familiariser avec les dons planifiés, on peut consulter le site internet de l’organisme Un héritage à partager Québec (unheritage.org). On y trouve aussi un répertoire des organismes-partenaires avec toutes les coordonnées.

 

Fiscalité 101

«Malheureusement, tout le monde ne se prévaut pas de la possibilité de déduire le crédit d’impôt associé à l’acte de don», regrette Caroline Bergeron. Un feuillet fiscal perdu ou oublié revient à laisser des dollars sur la table.

De façon générale, un crédit d’impôt non remboursable est octroyé par les gouvernements fédéral et provincial: le taux du crédit en question demeure fonction du montant du don et du revenu imposable du particulier. Un donateur peut conserver pendant une période de six ans – incluant l’année en cours – les reçus pour dons de charité en vue de les combiner et de les déclarer plus tard, dans l’objectif d’optimiser les économies d’impôt lors d’une année précise.

Une autre mesure avantageuse s’ajoute à ce principe de base: le Super crédit pour premier don de bienfaisance. Depuis mars 2013, les citoyens qui font un premier don bénéficient d’un crédit d’impôt fédéral supplémentaire de 25 % sur les premiers 1 000 $ de dons versés. Pour être admissible, ni vous ni votre conjoint ne devez avoir déclaré de don de charité depuis l’année fiscale 2007. L’année fiscale 2017 est cependant la dernière année pour s’en prévaloir.

Vidéos