Règlement de succession: le partage du patrimoine familial

Règlement de succession: le partage du patrimoine familial

Par Ronald McKenzie

Maurice est le liquidateur de la succession de son père, Régis, qui vient de mourir. Il veut remplir sa tâche avec rigueur, mais il se sent dépassé par les événements. «Il y a tant de choses à régler, je ne sais pas par où commencer», dit-il.

  • La première démarche consiste à recueillir les documents officiels nécessaires au lancement du processus, les plus importants étant l’acte de décès, le certificat de recherche testamentaire et le contrat de mariage. 

  • Ensuite, Maurice devra faire annuler le permis de conduire et les cartes de crédit de Régis, fermer les comptes bancaires du défunt et en ouvrir un au nom de la succession, communiquer avec la Régie des rentes du Québec afin de réclamer la prestation de décès qui, s’il y a droit, couvrira une partie des frais funéraires, et d’obtenir la rente de conjoint survivant pour sa mère, Liliane. 

  • Il avertira la compagnie d’assurance vie où Régis avait souscrit une police que son père est décédé. 

  • Enfin, Maurice dressera l’inventaire des biens de son père pour vérifier si la succession est solvable et s’il doit de l’argent à des personnes, à des entreprises ou à des institutions financières.

Que prévoit le testament?

 

Que prévoit le testament dans le cas de Maurice?

Deux choses:

  • Liliane hérite du FERR de son mari, de la résidence familiale et de l’automobile;
  • Les enfants, eux, héritent du compte bancaire, du produit de l’assurance vie et du chalet de Régis.

Clair et net, non? Eh bien non, justement. D’abord, qui a été désigné à titre de légataire universel? Si c’est Liliane, pas de problème : la succession se réglera selon ce qui est écrit. «Si toutefois les enfants sont les légataires universels et Liliane, la légataire particulière, il faudra procéder au partage du patrimoine familial», dit Me Danielle Beausoleil, notaire associée de l’étude Prud’homme Fontaine Dolan, à Boucherville.

Maurice est soulagé, car le testament précise que c’est Liliane qui est la légataire universelle. Il n’aura donc pas à partager le patrimoine familial. Mais il est surpris: «Je croyais que le partage du patrimoine familial était automatique au moment du décès d’un des deux conjoints.» Ce n’est pas aussi simple. Dans notre droit civil, un légataire universel se trouve à prolonger l’existence du défunt. «Il chausse ses souliers à sa place. Il hérite de tous les biens de la personne décédée, sauf des legs particuliers. Le légataire universel devient à la fois créancier et débiteur de la succession. Ce faisant, il ne peut pas réclamer une créance qu’il devrait se payer à lui-même», explique Me Beausoleil.

Oui, mais puisque le chalet de Régis fait partie des biens qui constituent le patrimoine familial, Liliane n’a-t-elle pas droit à la moitié de la valeur de cette propriété? Pas dans ce cas-ci car, en tant que substitut de son mari, c’est comme si elle-même avait cédé le chalet à ses enfants. Si elle tenait mordicus à récupérer la moitié de la valeur du chalet, il lui faudrait entamer une procédure judiciaire contre ses enfants. Cette requête s’effectuerait en dehors du règlement de la succession de son mari.

Partager le patrimoine familial

 

Partager le patrimoine familial


Maintenant, que se passerait-il si c’étaient les enfants qui avaient été les légataires universels? Liliane aurait alors le statut de «légataire particulière» et serait exclue de la succession, même si elle hérite de biens importants. Pourquoi? Parce que les légataires particuliers ne sont pas des héritiers légaux au sens de la loi. Toutefois, en tant que conjointe reconnue, elle pourrait faire valoir les droits que lui confère la Loi sur le partage du patrimoine familial.

Maurice serait alors tenu de procéder au partage du patrimoine familial. Ce serait d’ailleurs la première tâche qu’il devrait accomplir dans le règlement de la succession de son père. Il lui faudrait :

  • Calculer la valeur marchande de tous les biens inclus dans le patrimoine familial. Cela comprend ceux de Régis et ceux de Liliane.
  • Déterminer le montant total des dettes contractées pour l’acquisition, l’entretien et la conservation du patrimoine familial.
  • Établir la valeur nette du patrimoine familial en soustrayant de la valeur marchande le montant des dettes contractées. Cette valeur nette serait alors divisée en deux, entre Liliane et la succession. Il en résulterait soit une créance en faveur de Liliane, soit une dette que celle-ci devrait rembourser à la succession.

«Comme on peut le constater, la façon de rédiger un testament revêt une importance capitale. Ceux qui l’écrivent à la va-vite sur le coin d’une table risquent de compliquer la vie de leurs héritiers ou encore de rendre plus difficile le règlement de leur succession», dit Me Beausoleil.

Qu’est-ce que le patrimoine familial?

Qu’est-ce que le patrimoine familial?


Le patrimoine familial est composé de certains biens dont la valeur, durant le mariage ou l’union civile, s’est appréciée à la suite de l’effort conjugué des conjoints. Ces biens sont:

  • toutes les résidences de la famille (maison, chalet), les meubles qui les garnissent;

  • les véhicules automobiles qui servent aux déplacements de la famille;

  • les droits accumulés durant le mariage ou l’union civile dans un régime de retraite (y compris les REER); et

  • les gains inscrits au Régime de rentes du Québec durant le mariage ou l’union civile.

 

Tous les autres biens en sont exclus. Exemples: gains à la loterie, immeubles à revenus, placements hors REER et hors FERR, commerces, dons en argent reçus d’un héritage.

Attention! Les personnes qui vivent en union libre ne sont pas visées par les dispositions du partage du patrimoine familial. En outre, le conjoint de fait survivant n’est pas considéré comme un héritier au sens de la loi, contrairement à une personne mariée ou unie civilement. Cela signifie qu’il n’a droit à rien si son nom ne figure pas en toutes lettres dans le testament du défunt.

Et le régime matrimonial

Et le régime matrimonial?


«On dit que je dois également liquider le régime matrimonial de mes parents afin de régler la succession de mon père. Est-ce vrai?», demande Maurice. Pas nécessairement. Ici aussi, tout dépend de qui est le légataire universel. Comme c’est Liliane qui l’est, le même principe que pour le patrimoine familial s’applique: il n’y a rien à liquider, car tout revient à Liliane, hormis les legs particuliers aux enfants. De plus, Régis et Liliane étaient mariés en séparation de biens. Ce régime matrimonial prévoit que, par défaut, il n’y a aucun partage des biens des époux au moment du décès d’un des conjoints. Ses biens vont entièrement à la succession (Liliane).

 Ce n’aurait pas été différent si le couple s’était marié sous le régime de la société d’acquêts. Comme Liliane est à la fois conjointe survivante et légataire universelle, les acquêts de Régis lui reviennent de plein droit. Il n’y a rien à partager.

 À l’inverse, si Liliane n’avait été que légataire particulière, Maurice aurait été obligé de liquider le régime matrimonial. Elle aurait alors eu le choix : accepter de partager les acquêts avec la succession, auquel cas elle prendrait possession des biens qui lui appartiennent en vertu des dispositions de son contrat de mariage, ou bien renoncer au partage des acquêts. La décision lui reviendrait entièrement.

Éviter des maux de tête


Les choses s’éclaircissent pour Maurice. Voici ce qu’il retient:

  • Tout testament doit désigner un légataire universel. Il est donc crucial de préparer ce document avec minutie. Afin de faciliter la liquidation de la succession et de parer aux malentendus, il est conseillé de faire faire un testament notarié.
  • Même lorsqu’ils héritent de biens importants, les légataires particuliers ne constituent pas la succession d’un défunt. Ils n’en sont que les créanciers.
  • Au décès d’un conjoint marié religieusement ou uni civilement, le partage du patrimoine familial et la liquidation du régime matrimonial entrent en jeu seulement si le conjoint survivant n’est pas le légataire universel. Morale de cette histoire : si vous voulez léguer vos biens à plusieurs personnes, vous devriez consulter un notaire qui exerce en droit familial. Certes, vous encourrez des frais, mais vous éviterez des maux de tête à ceux qui vous survivront.

Mise à jour: janvier 2011

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