Mauvais soins: portez plainte!

Mauvais soins: portez plainte!

Par Ronald McKenzie

Vivant sous la pression depuis plusieurs années, le réseau de la santé au Québec est l’objet de nombreuses plaintes de la part des citoyens. En 2012, plus de 500 plaintes ont été déposées au Collège des médecins du Québec (CMQ), l’organisme qui encadre l’exercice de la pratique médicale dans la Belle Province. Or, le syndic du CMQ a décidé de ne déférer que 20 cas au conseil de discipline de l’ordre. «Ça ne veut pas dire que le Collège n’agit pas dans les autres situations. Tous les dossiers sont examinés», dit Leslie Labranche, coordonnatrice des communications au CMQ. Toutefois, pour qu’un médecin doive expliquer sa conduite erratique devant ses pairs, il faut que sa faute soit très grave. 

Autrement, s’il n’a commis qu’une entorse à son code de déontologie, le médecin peut être tenu de suivre un stage de perfectionnement ou une formation de mise à niveau «afin d’éviter d’autres problèmes», signale Mme Labranche. 

Le premier recours, le commissaire aux plaintes

Si vous voulez que votre plainte ait un impact, il importe de la diriger au bon endroit. D’abord, qui visez-vous? Un professionnel ou un établissement de santé? 

Commençons par les établissements. 

Le tableau «À qui porter plainte?» indique les personnes qui sont mandatées pour recevoir et traiter vos doléances. 

Comme vous pouvez le constater, les «commissaires locaux» et les «commissaires régionaux» jouent un rôle clé dans le processus. Nommés par le conseil d’administration des établissements concernés, les commissaires aux plaintes et à la qualité des services (leur titre officiel) sont les seuls responsables envers le conseil d’administration du respect des droits des usagers et du traitement diligent de leurs plaintes. Ils exercent leurs fonctions de façon exclusive et en toute indépendance.

Formuler une plainte écrite

Vous avez éprouvé des problèmes avec la prestation des services médicaux? Le personnel de l’établissement vous a traité avec impolitesse? Vous avez trouvé que les chambres étaient malpropres? C’est aux commissaires aux plaintes que vous devez vous adresser. 

  • L’idéal est de formuler une plainte écrite. N’oubliez pas d’inscrire : 
  • Vos coordonnées complètes.
  •  La date de l’incident. 
  • Les nom et prénom de la (ou des) personnes contre qui vous portez plainte. 
  • La nature de votre insatisfaction. 
  • Un résumé des faits. 
  • Les résultats attendus, s’il y a lieu.

«Les personnes qui ne sont pas à l’aise avec l’écriture peuvent demander l’aide du Centre d’assistance et d’accompagnement aux plaintes. Cet organisme communautaire offre des services gratuits de rédaction», dit Lisa D’Amico, présidente du conseil d’administration du Fonds d’aide aux victimes d’erreurs médicales (FAVEM). 

Mais alors, pourquoi ne pas simplement déposer une plainte verbale? Parce que les commissaires aux plaintes ne sont pas tenus d’y répondre par écrit. Certes, ils vous expliqueront au téléphone quels sont vos droits et recours. Mais, si la plainte est écrite, ils seront obligés de fournir une réponse écrite. 

Vous recevrez un accusé de réception confirmant que votre plainte a été bien reçue. Le commissaire effectuera une première évaluation du dossier. S’il juge que votre plainte n’est pas fondée (par exemple, vous manifestez une antipathie personnelle pour un employé de l’établissement), il la rejettera et vous en informera. 

Votre affaire est sérieuse?

Si toutefois votre affaire est sérieuse, le commissaire instituera une enquête. Il interrogera toutes les personnes impliquées (dont vous). Il vous transmettra sa décision dans les 45 jours, incluant les résultats de son investigation et un compte rendu détaillé de son travail. 

La réponse du commissaire sera peut-être accompagnée des recommandations faites au conseil d’administration de l’établissement, à la direction ou au responsable des services qui ont été l’objet de votre plainte. 

«Entendons-nous bien. Il s’agit de recommandations. L’établissement n’est pas tenu d’y donner une suite formelle», prévient Mme D’Amico. 

Si votre plainte vise un médecin, un dentiste, un pharmacien ou encore un résident, le commissaire transférera le dossier à un «médecin examinateur» qui est investi, grosso modo, des mêmes pouvoirs que le commissaire aux plaintes. 

Le Protecteur du citoyen en deuxième recours

Vous êtes insatisfait des résultats de l’enquête du commissaire aux plaintes ou du médecin examinateur? Vous pouvez en appeler de leur décision. Vous avez alors 60 jours pour entamer la procédure, et le comité de révision de l’établissement dispose également de 60 jours pour vous faire part de ses conclusions. 

Toujours déçu? Vous devez alors vous tourner vers le Protecteur du citoyen. Mais sachez que ses pouvoirs sont limités. En effet: 

  • Le Protecteur du citoyen ne peut pas intervenir dans le cas des plaintes médicales. 
  • Ses recommandation ne sont pas exécutoires. L’établissement à propos duquel vous vous plaignez peut les ignorer. 
  • La décision du Protecteur du citoyen est finale. 

Le Collège des médecins du Québec

Si vous jugez qu’un omnipraticien ou un médecin spécialisé vous a mal traité, qu’il vous a facturé des frais indus, etc., vous pouvez déposer une plainte à son encontre au Collège des médecins du Québec (CMQ). 

Le CMQ n’examine que les plaintes écrites que vous pouvez rédiger sur un formulaire type disponible sur son site Internet. Il fournit également certains renseignements sur les antécédents disciplinaires d’un médecin. Pour joindre ce service, composez 514 933-4441 ou 1 888 633-3246, poste 5589. 

Par ailleurs, vous trouverez sur le site de la Société québécoise d’information juridique les jugements prononcés contre les professionnels de la santé déclarés coupables d’infractions. Tapez soquij.qc.ca et inscrivez le nom de la personne concernée dans l’engin de recherche. 

Attention! Aucune des instances dont nous avons parlé jusqu’ici ne peut vous indemniser pour des dommages physiques, psychologiques ou financiers que vous auriez pu subir à la suite d’une erreur médicale. Mais alors, quel est l’intérêt de porter plainte? «Sans l’appui du public, nous pourrions difficilement savoir si la pratique d’un médecin est déficiente et nous ne pourrions pas corriger la situation», dit Mme Labranche. 

Oui, vous pouvez néanmoins obtenir réparation à la suite d’une faute médicale. Pour ce faire, vous devez intenter une poursuite civile contre l’établissement ou le médecin. Mais, ici, nous entrons dans l’administration de la justice où les délais sont longs, les frais juridiques, presque toujours considérables, et les frustrations, souvent au rendez-vous. 

Vous êtes victime d’une erreur médicale qui vous a causé un préjudice grave? Avant de retenir les services d’un avocat, commencez par consulter le site de la FAVEM. Vous y trouverez une foule de renseignements utiles qui vous aideront à définir vos droits et recours, et à comprendre le fonctionnement de l’appareil judiciaire. Tapez www.favem.org

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