Fractionnement des revenus de pension : Discrimination!

Fractionnement des revenus de pension : Discrimination!

Par Ronald McKenzie

Crédit photo: iStockphoto.com

Deux poids deux mesures

Pierre Cimoné, lecteur du Bel Âge, en a gros sur le coeur. Il se dit déçu et frustré des dispositions fiscales permettant aux conjoints retraités de fractionner entre eux leurs revenus de pension afin d’économiser de l’impôt. L’objet de son courroux? «La création de deux classes de contribuables: les chanceux et les autres», lance-t-il.

Voici ce qui l’irrite. Son ami Claude a travaillé pour un employeur qui offrait un généreux régime de retraite. À 50 ans (!), Claude a pris sa retraite avec, à la clef, une rente de retraite de 90 000$ par année. La femme de Claude ne travaille plus et n’a pas de revenus. En contribuables avertis, les deux conjoints se partagent moitié-moitié la pension de Claude. Résultat : au lieu de 27 025$, le couple n’a eu à payer que 21 364$ en impôts en 2007, calcule Pierre Cimoné. Grâce au fractionnement des revenus de pension, Claude et sa femme ont pu économiser 5 661$.

Pierre Cimoné, lui, n’a jamais participé à un régime de retraite d’employeur. Tout au long de sa carrière, il a dû patiemment construire son propre REER. Déjà, en partant, il se trouve désavantagé par rapport à Claude, car aucun employeur n’a financé son épargne retraite. Mais ce qui le pénalise, c’est que tout montant tiré d’un REER ou d’un FERR ne peut pas être divisé entre conjoints avant 65 ans. En revanche, les prestations versées par un régime de retraite y sont admissibles, peu importe l’âge du retraité.

Cette différence fondamentale est la source de la discrimination que déplore Pierre Cimoné. Supposons que toutes choses soient égales et que notre lecteur prenne sa retraite à 50 ans avec un revenu annuel de 90 000$ tiré de son REER ou de son FERR. Chaque année pendant 15 ans, il paiera 27 025$ en impôt alors que son ami Claude, qui peut fractionner sa rente de retraite, versera 21 364$. «Je laisserai donc sur la table près de 85 000$ dont je n’aurai pu bénéficier de 50 à 65 ans. Peut-être même 100 000$ avec les intérêts et l’inflation. Ce n’est qu’à 65 ans que j’aurai enfin droit au même avantage fiscal que Claude», souligne-t-il.

Et il ne manque pas de rappeler que son ami n’a eu qu’à financer la moitié de sa rente de retraite, alors que lui a été seul à la bâtir. «J’ai écrit notamment au Barreau du Québec, aux députés de ma région, aux ministres des Finances et aux premiers ministres. Je n’ai même pas reçu d’accusé de réception! J’en ai parlé à des professionnels, comme des avocats, qui sont eux aussi victimes de cette discrimination, mais ils n’ont pas réagi», s’étonne le contribuable excédé.

Attention au transfert dans un CRI

Attention au transfert dans un CRI

Nous avons demandé à l’Agence du revenu du Canada (ARC) et au fiscaliste Sylvain Chartier, de Planification Financière Banque Nationale, si Pierre Cimoné interprétait mal la loi et s’il avait des moyens de s’en sortir. Malheureusement, c’est non dans les deux cas. «Seuls sont fractionnables les revenus qui donnent droit au crédit d’impôt pour revenu de pension», explique Sylvain Chartier. Le spécialiste profite de l’occasion pour lancer une mise en garde aux employés qui ont participé à un fonds de pension et qui quittent leur emploi avant de prendre leur retraite. En effet, des conseillers financiers pourraient leur offrir de transférer dans un compte de retraite immobilisé (CRI) les droits qu’ils ont accumulés dans leur caisse de retraite.

Ce faisant, ces employés se retrouveront dans la même situation que Pierre Cimoné, car le traitement fiscal accordé aux CRI est essentiellement le même que celui qui régit les REER. «Avant 65 ans, le bénéficiaire ne pourra ni fractionner son revenu avec son conjoint ni réclamer le crédit d’impôt pour revenu de pension. C’est donc un pensez-y bien», prévient Sylvain Chartier.

Mise à jour: juillet 2009

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