Violence conjugale: l’affaire de tous

Violence conjugale: l’affaire de tous

Par Jessica Dostie

Crédit photo: Priscilla Du Preez via Unsplash

Chaque jour, des personnes de tous les âges et de toutes les classes sociales subissent des coups ou des paroles blessantes. Des intervenantes qui travaillent au quotidien avec des victimes et leurs proches présentent quelques portes de sortie. 

On ne sort pas indemne d’une relation toxique. Même plusieurs années après avoir quitté un conjoint violent psychologiquement, l’auteure-compositrice-interprète Laurence Jalbert vit toujours avec les séquelles d’un syndrome du choc post-traumatique, a-t-elle confié à Tout le monde en parle quelques jours après avoir brisé le silence à la radio puis sur internet. «J’étais en état de survie! Tout le temps!» s’exclame-t-elle dans une lettre publiée sur Facebook. 

L’artiste est loin d’être seule dans cette situation. En 2015, le Québec a enregistré 19 406 infractions contre la personne commises dans un contexte de violence conjugale, un chiffre exacerbé en raison de la pandémie, prouvent de plus récentes statistiques. SOS violence conjugale estime d’ailleurs avoir reçu à ce jour 7000 appels de plus en 2020-2021 comparé à 2019-2020. Ces données, effarantes, parlent d’elles-mêmes. Que pouvons-nous faire concrètement?

 

Quand on est la victime 

«Il n’est jamais trop tard pour demander de l’aide», lance d’entrée de jeu Chantal Arseneault, présidente du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. En entrevue, l’intervenante raconte avoir accueilli une femme qui quittait son mari des 50 dernières années. «Elle disait vouloir vivre ses dernières années sans sentir sa présence oppressante.»

Notre cheminement nous appartient, martèlent toutes les spécialistes consultées. Qu’on cherche à fuir un conjoint violent ou qu’on ait besoin de soutien plusieurs années après la rupture, on respecte son propre rythme. «À partir du moment où on se pose des questions, c’est tout de même un signal d’alarme», précise la présidente.

Devrait-on se confier à notre entourage ou contacter directement un centre d’aide? Il s’agit d’une décision personnelle. «C’est parfois très difficile pour ces femmes d’en parler à un proche parce qu’elles se sentent responsables», renchérit Nadia Morissette, du Centre Femmes aux 4 Vents de Sept-Îles. 

 On peut donc commencer par appeler un organisme spécialisé en violence conjugale afin d’obtenir un avis extérieur. «Le centre de femmes peut être une porte d’entrée facilitante pour nous aider à travailler sur l’affirmation de soi», poursuit-elle.

Cela dit, «si on est en danger immédiat, on appelle la police», insiste Valérie Bélanger, de la Maison des femmes de Baie-Comeau.

-> À méditer: le responsable de la situation est toujours la personne violente et jamais la victime.

 

Quand c’est une amie, notre sœur, notre fille ou notre petite-fille 

Se rendre compte qu’une personne qu’on aime subit de la violence physique ou psychologique déstabilise. «C’est très difficile pour les proches, acquiesce Chantal Arseneault. Ça leur fait vivre beaucoup de colère et d’impuissance.»

Que faire si on est confronté à la détresse d’une personne qui nous est chère? «Écouter sans juger et, surtout, respecter ses choix, détaille Valérie Bélanger. Ce sera peut-être dur et on se sentira parfois impuissant de ne pouvoir faire davantage, mais on ne peut pas régler la situation à sa place. Si on la force à partir, elle risque d’y retourner. L’important, c’est de lui faire savoir qu’on est là pour elle quand elle sera prête.»

On ne sait pas comment aborder la question? Les centres d’aide aux victimes de violence conjugale peuvent nous aider à trouver les bons mots. «La majorité des organismes offrent du soutien à l’entourage, fait valoir Nadia Morissette. L’objectif n’est pas que les proches jouent les intervenants, mais bien de les aider à évaluer le rôle qu’ils peuvent jouer dans l’écoute et le respect sans se mettre en danger.» 

Surtout, on essaie par tous les moyens de garder contact avec la femme violentée. «On ne veut pas que son conjoint l’isole», prévient Chantal Arseneault. -> À dire, à faire: écouter sans juger et aider à mettre des mots sur la situation: «Est-ce que tu te sens libre de faire ce que tu veux? Te sens-tu bien dans cette relation?» On lui fournit les coordonnées de centres d’aide sans mettre de pression, mais on appelle le 911 si sa sécurité semble compromise.

 

Quand on est la personne violente

«Derrière chaque victime, il y a un agresseur dont il faut s’occuper; ça fait partie de la solution», rappelle Sabrina Nadeau, directrice d’À cœur d’homme. Le réseau qu’elle dirige offre de l’aide aux conjoints violents voulant changer pour de bon. «Nous travaillons majoritairement avec une clientèle volontaire. Si on considère que la personne n’a pas l’étincelle de motivation nécessaire, on la redirige vers un autre service, parce que la sécurité des proches doit primer sur tout le reste.»

Sans jamais cautionner les gestes violents, le processus de guérison s’appuie sur l’écoute et la bienveillance, témoigne-t-elle. «On crée un espace sécuritaire où on les accueille tels qu’ils sont et où ils peuvent verbaliser ce qu’ils ressentent.» 

Au cœur de la démarche, la personne doit faire un choix de non-violence. Objectif: «comprendre que la violence résulte d’un choix et non d’une perte de contrôle, puis apprendre comment répondre adéquatement à ses besoins sans faire du mal aux autres». Et l’important, c’est qu’il n’est jamais trop tard pour entamer une telle démarche, répète l’intervenante.

-> À faire: consulter quand on se sent prêt à changer.

 

Quand c’est un ami, un frère, un fils ou un petit-fils 

Si on est témoin de mots ou de gestes violents, on peut vite se sentir dépassé. C’est encore pire quand l’agresseur est un homme qu’on connaît bien, qu’on a élevé ou avec qui on a grandi: à l’impuissance s’ajoute alors la culpabilité. «C’est normal de se sentir impuissant, rassure Sabrina Nadeau. Une attitude compréhensive, c’est la clé, mais il peut être difficile d’éprouver de l’empathie quand on n’est pas formé.»  

D’où l’idée de se tourner vers des ressources spécialisées, d’abord pour trouver de l’information fiable qui nous permettra de poser les gestes appropriés. Pour la directrice d’À cœur d’homme, c’est clair: «Il ne faut pas avoir peur de se mêler des affaires des autres!» Si on est témoin d’actes répréhensibles ou si on a des doutes, on dénonce.

-> À dire, à faire: adopter une attitude compréhensive et dissocier la personne de ses actes en disant «Ton comportement est monstrueux» au lieu de «Tu es un monstre». On peut aussi lui donner les coordonnées d’un centre d’aide, mais on appelle la police si on pense que quelqu’un est en danger immédiat.

 

En chiffres

78 %  Au Québec, les femmes sont les principales victimes de la violence conjugale.

49,3 %  Près de la moitié des victimes québécoises sont âgées de plus de 40 ans.

70 %  La majorité des infractions commises au Québec concernent des voies de fait, suivies du harcèlement criminel (12 %) et des menaces (11 %). 

Sources: Statistique Canada, 2020 ; ministère de la Sécurité publique du Québec, 2015.


Où trouver du soutien

SOS Violence conjugale: un service bilingue d’évaluation, de sensibilisation, de soutien et de référence 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, qui peut entre autres mettre sur-le-champ en contact avec des intervenants de la région. Au 1 800 363-9010 ou à sosviolenceconjugale.ca.

Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale: pour trouver une maison d’hébergement près de chez soi. À maisons-femmes.qc.ca.

Fédération des maisons d’hébergement pour femmes: pour trouver là aussi une maison d’hébergement près de chez soi. À fmhf.ca.

R des centres de femmes du Québec: un regroupement féministe d’action communautaire autonome qui répertorie 82 centres de femmes dans toutes les régions du Québec. À rcentres.qc.ca.

Réseau des CAVAC (Centres d’aide aux victimes d’actes criminels): un service gratuit et confidentiel pour être écouté et aidé. Au 1 866-532-2822 ou à cavac.qc.ca.

À cœur d’homme: un réseau d’aide aux hommes violents où trouver des ressources près de chez soi. À acoeurdhomme.com.

Info-Social 811: un service de consultation téléphonique gratuit et confidentiel 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pour parler avec un intervenant psychosocial formé pour nous conseiller, nous donner des informations ou nous référer aux ressources appropriées de notre région.

Si on se sent en danger immédiat (ou si on a connaissance d’une situation dangereuse pour un proche), on n’hésite pas à composer le 911.

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