Hormonothérapie: où en sommes-nous?

Hormonothérapie: où en sommes-nous?

Par Manon Limoges

Crédit photo: iStockphoto.com

Il n’y a pas si longtemps, les spécialistes de la santé des femmes vantaient sans ménagement les mérites de l’hormonothérapie substitutive (HTS), non seulement pour soulager les symptômes de la ménopause mais aussi pour prévenir un éventail d’affections: ostéoporose, maladies du cœur, cancer du sein. On nageait en pleine euphorie.

Or, en 2002, les résultats préliminaires de la Women’s Health Initiative (WHI) freinaient abruptement ce bel engouement. Entre autres constats inquiétants, l’étude américaine révélait une augmentation significative des cas de cancer du sein chez les femmes soumises à l’hormonothérapie (formule combinée d’œstrogène et de progestérone couramment prescrite) sur une période de cinq ans. Aux dires des chercheurs, les risques pour la santé étaient si préoccupants qu’il a fallu mettre un terme à l’étude bien avant la date prévue. En mars 2008, les chercheurs publiaient, dans le Journal of the American Medical Association, une conclusion sans équivoque: «les risques pour la santé des femmes sous HTS pendant une longue période pèsent plus lourd que les bénéfices potentiels».

Mais voilà que deux mois plus tard, coup de théâtre! Au terme du World Congress on Menopause, un groupe d’experts internationaux affirmait haut et fort que l’hormonothérapie substitutive ne présentait aucun danger. De quoi faire perdre la boussole à la moitié de l’humanité et, trois fois plutôt qu’une!

Qui dit vrai?

Qui dit vrai?

Tous les experts, y compris les responsables de la WHI, s’entendent sur l’efficacité de l’hormonothérapie pour soulager les symptômes les plus fréquents de la ménopause (bouffées de chaleur, troubles du sommeil et de l’humeur, etc.). Mais quand vient le temps d’établir le rapport risques-bénéfices et les modalités entourant l’administration du traitement, c’est la pagaille. 


Côté risques, en plus de l’augmentation des cas de cancer du sein, les chercheurs de la WHI ont constaté une augmentation des risques de crises cardiaques, d’ACV et de formation de caillots sanguins dans les veines et les poumons chez les femmes sous HTS. Malgré une diminution des fractures de la hanche et des cas de cancer colorectal, la Food And Drugs Administration (FDA) recommande, elle, «de ne jamais utiliser l’hormonothérapie pour prévenir les maladies cardiovasculaires. La médication devrait plutôt être administrée pour soulager les symptômes associés à la ménopause, et ceci à très faibles doses et pour une durée aussi brève que possible.»

«Il s’agit d’affirmations alarmistes qui ont semé un vent de panique regrettable», commente la docteure Isabelle Girard, gynécologue-obstétricienne et porte-parole de la Société des obstétriciens et gynécologues du Québec (SOGQ). Cette organisation professionnelle et son pendant canadien, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC), à l’instar de l’International Menopause Society, questionnent la validité des résultats de l’étude américaine. Selon elle, la dissension proviendrait principalement du mauvais échantillonnage fait dans le cadre de la Women’s Health Initiative.

En effet, les contestataires allèguent que les quelque 16 000 femmes âgées entre 50 et 79 ans ayant participé à l’étude ne représentaient pas de la population féminine habituellement visée par le traitement. Ils ajoutent également que le dosage était le même pour toutes les participantes sous HTS, ce qui n’est pas conforme à la pratique. Mais est-ce suffisant pour affirmer, sans l’ombre d’un doute, que l’hormonothérapie est parfaitement sécuritaire?

Sans aller jusque là, la SOGC est tout de même sur le point d’émettre des recommandations plus nuancées à l’intention de ses membres. La règle du «dosage minimal pour une durée minimale» de la FDA fera place à celle du «dosage et durée requise pour des résultats souhaités». En ce qui concerne l’utilisation de l’hormonothérapie pour prévenir certaines maladies, la SOGC refuse de se prononcer pour l’instant.

Que faire, alors?

Dans le doute, s’abstenir?

Pour la plupart des intervenants, les femmes en bonne santé et en début de ménopause ne devraient pas s’affoler. De plus, selon Dre Girard, environ 20% des femmes ne seraient pas incommodées durant la ménopause contre 60% qui le seraient moyennement, et 20% le seraient sévèrement. C’est surtout à ces dernières qu’on prescrit l’hormonothérapie, mais d’autres solutions pourraient également leur être offertes. «Dans ma pratique, je propose toujours des traitements alternatifs, produits naturels ou même des antidépresseurs dans certains cas. L’hormonothérapie est généralement envisagée quand les autres traitements n’ont pas donné les résultats escomptés et le dosage est rigoureusement contrôlé», explique Isabelle Girard.

Pour l’heure, s’il semble impossible de trancher clairement et définitivement en faveur du traitement à l’œstrogène-progestérone combinées et qu’un minimum de prudence soit toujours de rigueur, il est clair que pour un grand nombre d’experts internationaux, il présente plus d’avantages que d’inconvénients. Peut-être qu’avec un peu de patience, les prochaines études finiront par nous rassurer complètement?

Mise à jour: décembre 2008

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