Aider ses enfants… mais jusqu’où?

Aider ses enfants… mais jusqu’où?

Par Jacqueline Simoneau

Crédit photo: iStockphoto.com

Rendre service?

Marie-Josée et Pierre ont deux fils qui ont quitté le nid familial il y a plusieurs années. Le premier a une famille et un emploi stable. Le second, lui, passe d’un emploi à un autre. «Il compte sur nous lorsqu’il est à court d’argent, avoue Pierre. On l’héberge aussi après chaque rupture amoureuse. On aimerait bien qu’il reprenne sa vie en main.»

 

Les parents de Maude, pour leur part, dépannent régulièrement leur grande fille, mère de famille monoparentale, en allant chercher le petit à la garderie, en reconduisant le plus vieux à ses activités sportives et en se transformant fréquemment en gardiens le week-end. «Au début, cela nous faisait plaisir de rendre service, disent-ils. Mais à présent, c’est comme si, pour elle, ça allait de soi. Sans compter ses demandes pour différents travaux. On commence à trouver ça éreintant.» 

 

Des exceptions? Pas du tout! De plus en plus d’enfants de tous âges recourent aux parents pour qu’ils les sortent du pétrin. Parallèlement, de plus en plus de parents en ont jusque-là des multiples requêtes de leurs enfants, pourtant majeurs et vaccinés.

Pourquoi certains enfants sont-ils dépendants?

 

Selon la psychologue France Slako, il existe plusieurs explications au phénomène des enfants qui appellent sans cesse à l’aide. «De nos jours, les jeunes adultes sont beaucoup plus dépendants des parents que ceux des générations précédentes, souligne-t-elle. Une des raisons: les changements générationnels. Les personnes de plus de 50 ans ont été élevées plutôt sévèrement. Par réaction, elles ont donné beaucoup de liberté à leurs enfants. Non seulement elles leur ont permis de s’exprimer davantage, mais elles sont allées au-devant de leurs besoins – financiers et autres – afin de leur faciliter la vie. Résultat: des enfants mal outillés pour affronter les embûches. En voulant bien faire, on les a rendus insécures et anxieux.» 

 

Mais les enfants demandeurs sont loin d’être tous des profiteurs, précise Mme Slako. Plusieurs peinent simplement à devenir autonomes. C’est plus facile pour eux de continuer à se fier aux parents que de se prendre en charge. Ils se disent: «Si j’ai un problème financier, mes parents vont m’aider.» Ou encore: «Si ça ne fonctionne pas en appartement, je vais revenir à la maison.» Mais à force de choisir la solution facile, ils n’apprennent pas à gérer leur vie ni à se faire confiance. Et on leur donne implicitement notre accord en ne mettant pas de limites et en ne leur montrant pas à devenir des adultes responsables.

 

Mais pourquoi donc certains enfants d’une même fratrie sont capables de s’organiser seuls et d’autres pas? Question de caractère, notamment. C’est connu: on a rarement deux enfants pareils. «En général, il y a au moins un des enfants de la famille qui est plus dépendant des parents, souligne le psychologue Ronald Côté. Et c’est très souvent le benjamin parce qu’il a été habituellement le plus couvé et le plus gâté. Lorsqu’il quitte le milieu familial, il se trouve en déséquilibre. Il va donc réclamer plus d’aide au début, mais parfois aussi longtemps après. Pour d’autres enfants, le problème est plutôt d’ordre organisationnel. Ils ont besoin d’un petit coup de pouce pour apprendre à mieux gérer leur emploi du temps ou à trouver des ressources efficaces, par exemple.»

Les conséquences sur la fratrie

Quand un des enfants réclame constamment de l’aide, cela risque de créer des tensions avec les parents, mais aussi avec le reste de la fratrie. Marie-Julie est l’aînée d’une famille de trois enfants. «Mon frère joue à la victime, dit-elle. Sous prétexte qu’il est le moins nanti d’entre nous, il quémande souvent des sous à nos parents. Il est en train de dilapider leur argent et, par ricochet, notre héritage.»

 

Geneviève, quant à elle, se plaint de ne pas voir ses parents assez souvent. «Ma soeur a toujours des services à leur demander. Par conséquent, ils sont rarement disponibles les fins de semaine. Cela m’exaspère.»

 
 

Selon Ronald Côté, contrairement à ce qu’on peut penser, ce n’est pas vraiment la jalousie envers le plus gourmand qui génère les conflits entre les enfants. «C’est plus souvent un sentiment d’inconfort ou d’iniquité, dit-il. Les autres craignent de le voir empiéter sur les parents. Mais règle générale, ce sont les parents, bien plus que les frères et soeurs, qui vont se plaindre lorsque la situation perdure au-delà de leurs capacités. C’est d’ailleurs à eux que revient la tâche de régler la situation avant qu’elle ne dégénère. Ils ont leur part de responsabilité, car ce sont eux qui répondent aux demandes de l’enfant. Ils doivent poser des limites claires et être équitables envers leurs rejetons.»

 

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