Thyroïde: suivez le guide!

Thyroïde: suivez le guide!

Par Carolyne Ann Boileau

Crédit photo: iStock

Vers l’âge de 55 ans, la glande thyroïde peut se dérégler et entraîner des symptômes, de légers à sévères, similaires à ceux d’autres maladies… D’où l’importance du dépistage. Place à Mme Thyroïde, qui nous indique la marche à suivre. 

Madame Thyroïde, comment décririez-vous votre apparence, en quelques mots? On dit de moi que je ressemble à un papillon, à la différence que mes «ailes» sont coupées de moitié. Je suis située devant la trachée et sous le larynx. Je mesure environ 33 mm. Je suis menue, mais palpable sous les doigts agiles des médecins. 

Quelles sont vos fonctions? J’obéis aux ordres de la thyréostimuline (TSH), qui me somme de produire deux hormones, les T3 et T4, qui agissent comme un carburant pour les cellules. J’alimente ainsi la majorité des systèmes: cardiovasculaire, digestif, nerveux, neuromusculaire. L’énergie que je dégage permet de maintenir les fonctions vitales. Je me considère comme très importante. 

De quels maux souffrez-vous le plus souvent? Je suis sujette aux troubles d’ordre structurel (des nodules bénins ou malins qui apparaissent et modifient mon apparence) et aux problèmes de fonctionnement (je travaille trop ou pas assez).

Pouvez-vous nous en dire davantage? Imaginez que je suis une usine de fabrication. En temps normal, je démarre et stoppe la production en suivant les directives de mon contremaître, la TSH. J’assure ainsi un bon service. Mais si je deviens paresseuse et que je ne produis pas assez d’hormones, mon contremaître m’oblige à redoubler d’ardeur. Les médecins appellent ça l’hypothyroïdie. Ma fatigue engendre notamment une baisse d’énergie, des troubles d’humeur et de la mémoire, un ralentissement psychomoteur, de la constipation, un gain de poids, des frissons, la perte de cheveux. En revanche, quand je produis trop d’hormones, le contremaître fuit l’usine… au détriment des systèmes avec lesquels je collabore. Aux prises avec ce surplus de «carburant», les systèmes vont s’activer à l’excès. Anxiété, amaigrissement, palpitations cardiaques, sueurs et tremblements sont quelques-unes des conséquences. C’est ce qu’on appelle l’hyperthyroïdie.

On dit que les troubles thyroïdiens sont sournois chez les moins jeunes. Est-ce exact? Tout à fait. La raison est simple: habituellement, je provoque des symptômes moins intenses chez les personnes âgées que chez les jeunes. Et comme les signes d’un trouble thyroïdien, particulièrement ceux de l’hypothyroïdie (grande fatigue, problèmes de mémoire, etc.), s’apparentent à des symptômes liés à la vieillesse, le médecin pourrait ne pas le détecter au premier coup d’œil. L’analyse de la TSH en laboratoire est donc essentielle.

Les femmes sont-elles plus sujettes aux troubles thyroïdiens que les hommes? Oui. Selon les médecins, le ratio de gens atteints de troubles thyroïdiens est de trois ou quatre femmes pour un homme. Je précise toutefois que, contrairement à la croyance populaire, les hormones sexuelles féminines n’ont pas d’effet sur moi, et ce, même si plus de maladies thyroïdiennes sont dépistées après la ménopause. Les causes seraient davantage d’ordre génétique et héréditaire. 

Les antécédents familiaux sont-ils en cause? Je vais parler au nom de toutes les thyroïdes en disant que si un ou plusieurs membres de sa famille ont eu des problèmes avec cette glande à un moment dans leur vie, c’est très important de le dire à son médecin. L’idéal serait de l’aviser AVANT de ressentir une bosse sous la pomme d’Adam ou d’obtenir un résultat anormal du taux de TSH. Quand les infos sont transmises en amont, le médecin passe illico en mode dépistage, parfois avant même que le patient devienne symptomatique. 

Comment une thyroïde dysfonctionnelle est-elle détectée? À ce propos, le questionnaire clinique du médecin est capital. Les réponses du patient l’aiguilleront quant aux probabilités d’une atteinte de la thyroïde. Le professionnel de la santé palpera ensuite la glande pour détecter la présence d’un goitre (thyroïde gonflée) ou d’un nodule. Enfin, le patient sera dirigé vers un centre de prélèvements pour mesurer entre autres son taux de TSH et, s’il y a lieu, des hormones T3 et la T4. Selon l’évaluation clinique, le médecin pourra demander une échographie ou une scintigraphie. 

Si le médecin détecte un trouble, prescrira-t-il des médicaments, voire une opération? Soigner l’hypothyroïdie est simple: il suffit de prendre un cachet d’hormone thyroïdienne (Synthroid) tous les jours. Le nombre de milligrammes prescrit dépend de ma capacité de production. Et comme mes efforts peuvent varier avec le temps, le médecin devra ajuster la dose, au besoin. Quoi qu’il en soit, j’accueille ce boost quotidien avec joie! C’est quand l’hyperthyroïdie est en cause que le travail du médecin devient plus compliqué. On me traite alors soit avec un médicament nommé Tapazole, qui inhibe mes ardeurs, soit avec une pilule d’iode radioactif, qui ralentit ma production d’hormones. Dans 60 % des cas où cette pilule est administrée, je suis neutralisée au point de ne plus pouvoir travailler efficacement. Résultat: j’aurai besoin de Synthroid pour le reste de mes jours. Si le Tapazole ou l’iode radioactif se révèlent inefficaces, on m’éradique en partie ou complètement par la chirurgie. Mais c’est rare (ouf!).  

Et le cancer dans tout ça? Beaucoup de gens ont des troubles de la thyroïde sans pour autant avoir un cancer. Parmi les 40 à 45 % de la population ayant des bosses sur leur glande, seulement 5 à 6 % des nodules seraient malins. Ceux-ci sont d’ailleurs souvent découverts lors d’une échographie des carotides. Par chance, le cancer de la thyroïde en est un dont le pronostic est excellent. Dans 60 à 70 % des cas, il s’agit de carcinomes papillaires, des tumeurs à croissance lente. Les médecins ont donc le temps d’intervenir. 

Soigner par l’alimentation: est-ce possible?

À ce sujet, le Dr Jean Palardy est formel: une saine alimentation, quoique bénéfique pour l’ensemble du système, ne permet pas de réduire les risques d’un trouble thyroïdien. Ceux-ci pourraient par contre s’amplifier si on n’absorbait pas assez d’iode, de zinc et de sélénium, trois oligoéléments dont la thyroïde a besoin (en petites quantités) pour bien fonctionner. Mais comme ça nous en prend peu et qu’on en trouve dans une grande variété d’aliments – dont les algues, les poissons, les fruits de mer, le sel de table –, auxquels on a facilement accès chez nous, les risques de carence sont inexistants. Pour résumer, on ne peut rien faire qui puisse agir directement sur cette glande. La meilleure chose est de parler à notre médecin si on se croit à risque de développer une maladie thyroïdienne.

Avec la participation de la Dre Lyne Desautels, de la clinique CMIE Brossard, et du Dr Jean Palardy, président de l’Association des médecins endocrinologues du Québec, que nous remercions pour leur contribution à cet article. 

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