Sexualité: 5 mythes à déboulonner

Sexualité: 5 mythes à déboulonner

Par Anne-Christine Schnyder

Crédit photo: Photo by Anthony Tran on Unsplash

Rumeur: après 50 ans, on n’aurait plus l’âge ni l’envie de faire des galipettes. Que du vent! Voyons de près ce qu’il en retourne sous la couette. 

 

Mythe 1

Le corps change, on est moins sexy

Avec l’âge, notre corps se transforme. Du coup, il correspond moins aux normes de beauté prédominantes axées sur la jeunesse, constate Isabelle Wallach, anthropologue et professeure au département de sexologie de l’UQAM, spécialisée en sexualité et vieillissement. «Les femmes surtout sont affectées, étant évaluées en fonction de leur beauté, comme si être belle faisait partie de l’identité féminine. Avec l’âge, elles perdent un peu de leur capital érotique et sont perçues comme moins désirables.»

Céleste, 55 ans, avait cette perception d’elle-même au départ. Mais elle a vite changé d’idée. «Je me suis dit: "À mon âge, t’es foutue." Eh bien, non! Je me fais toujours draguer!» La plupart du temps par des hommes bien plus jeunes qu’elle. «Ils fantasment sur des femmes plus vieilles parce qu’on a de l’expérience, on n’a pas de tabous, on aime ça et on ne les embête pas!» Ce qui fait la différence, croit-elle, c'est ce qu’on dégage. «C’est l’énergie, le charisme. Moi, je parle aux gars, je les fais rire. Bien sûr, il y a aussi l’attirance, mais ça, c’est à n’importe quel âge.» C’est un tout, corrobore Isabelle Wallach. «Beaucoup de choses peuvent rendre une personne désirable; son corps, mais aussi ce qu’elle est globalement. Et un corps qui a vieilli a aussi une forme de beauté; elle est juste différente.»

 

Mythe 2

Le sexe est sans plaisir 

Les gens ont souvent une vision réductrice et étroite de la sexualité des gens plus âgés dans le cadre de leur relation de couple, remarque Isabelle Wallach. «Ils semblent croire que celle-ci est uniquement stable, engagée, impliquant des sentiments, au minimum de l’affection.» 

En réalité, quand on se retrouve seul après le décès de l’autre ou une séparation, on est déterminé à prendre du plaisir. Au même titre que les jeunes, on a «des relations sexuelles avec pour seul objectif le plaisir, sans qu’elles soient nécessairement inscrites dans une relation engagée, affective.» On explore diverses avenues et pratiques et on ne se laisse pas enfermer dans le rôle du veuf éploré ou d’une grand-mère célibataire sous prétexte que la sexualité serait incompatible avec le veuvage ou la grand-parentalité.

 

Mythe 3

À nos âges, on ne fait pas ça!

Oui, l’état de santé en général, la maladie, certains traitements et l’âge peuvent avoir des effets sur notre sexualité. Mais celle-ci ne devient pas plate pour autant. «Beaucoup d’études insistent sur le fait que l’expression sexuelle se transforme, que c’est plus axé sur la tendresse, la sensualité, la complicité, sur des pratiques non génitales», note l’anthropologue. Mais, nuance-t-elle, ça ne concerne pas tous les 50 ans et plus! «Certains d’entre eux continuent à avoir une sexualité très active, très génitale, très passionnée.» D’autres découvrent même le BDSM, à la façon de 50 nuances de Grey, sur le tard!

Quel que soit notre âge, notre sexualité évolue et se diversifie. «Il y a une grande diversité de pratiques aussi bien génitales que non génitales. Il peut y avoir une ouverture à plus de sensualité, à plus de rituels érotiques, mais aussi à plus d’exploration. On a plus de temps, moins de stress, les enfants ayant quitté la maison. On peut avoir une meilleure qualité de vie sexuelle même si la fréquence diminue.»

 

Mythe 4

Je ne suis plus ado, bye-bye ma libido!

L’Enquête québécoise sur la santé de la population, 2014-2015, publiée par l’Institut de la statistique du Québec en 2017, révèle que 79,4 % des 45-64 ans sont actifs sexuellement et que 42,7 % des 65 ans et plus le sont aussi. En comparaison, 92,9 % des 25-44 ans le sont, et 66,5 % des 15-24 ans. «Même en étant très âgé, en perte d’autonomie et en moins bonne forme physique, on peut continuer à avoir du désir et certaines formes de pratiques sexuelles», confirme Isabelle Wallach. Bien sûr, divers problèmes d’ordre physiologique, comme un trouble érectile, ou des changements hormonaux peuvent induire une baisse du désir. «Après la ménopause, c’est moins insistant, et j’ai plus besoin de tendresse que de sexe», déclare Céleste. Elle admet toutefois que «si j’avais un chum qui me plaisait, je le ferais tous les jours! Il y a un an, alors que j’étais déjà ménopausée et en couple avec un homme beaucoup plus jeune, on pouvait faire l’amour quatre fois de suite.»

En fait, peu importe l’âge, la baisse du désir s’explique parfois par une communication défaillante dans le couple ou son incapacité à ajuster ses pratiques sexuelles aux circonstances. Sans compter que, par ailleurs, en général, la sexualité des personnes ne se transforme pas du jour au lendemain parce qu’elles ont atteint 65 ans, 70 ans ou plus, ajoute l’anthropologue. «Qui a toujours été porté sur la chose continuera sans doute à l’être, en connaissant parfois même un regain d’intérêt ou une passion jusqu'alors inconnue.»

 

Mythe 5

Monsieur ne pense qu’à ça, madame, non

Selon la croyance populaire, la date de péremption du désir chez les femmes arrive bien plus tôt que chez les hommes. La raison de cette fausse perception serait liée à la fonction de procréation des femmes. «Ce qui fait que leur sexualité perd de sa légitimité dès la ménopause», observe Isabelle Wallach. Sans compter les études qui démontrent inlassablement que les hommes, tous groupes d’âge confondus, sont plus nombreux à rester sexuellement actifs. «Mais quand on compare les résultats obtenus dans les catégories AVEC et SANS partenaire, les chiffres sont exactement les mêmes pour les deux sexes.» Ce n’est donc pas un manque d’intérêt de la part des femmes, mais plutôt d’occasions, l’enjeu étant pour elles de trouver un partenaire, ce que les hommes semblent faire beaucoup plus facilement. 

 

Le 7e ciel en quelques points (bien sentis)

Pour développer une vision positive de notre sexualité…

• On prend le temps de redécouvrir notre corps et celui de l’autre. 

• On expérimente, on réinvente sa sexualité, qui deviendra sans doute plus axée sur la sensualité et l’érotisme que sur la performance, mais tout aussi satisfaisante. «Ça passe à la fois par l’acceptation que les corps changent et par l’adaptation de pratiques et de scénarios sexuels en fonction des possibilités physiques, qui ne sont peut-être plus les mêmes», précise Isabelle Wallach. 

• On prend le sexe à la légère, on jouit du temps et de la liberté accrus que les années apportent. «Il n’y a plus cet impératif de le faire uniquement dans le cadre du mariage, par devoir conjugal ni pour avoir des enfants. On peut faire ça juste pour le plaisir! Ça ouvre beaucoup de possibilités.»

 

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