Le Botox est-il sécuritaire?

Le Botox est-il sécuritaire?

Par Guy Sabourin

Crédit photo: iStockphoto.com

Des millions d’individus reçoivent des injections de Botox depuis une vingtaine d’années dans environ 75 pays. Tout indique que c’est un produit sûr. Il n’en reste pas moins que la U.S. Food and Drug Administration (FDA) émettait le 8 février 2009 un avis public au sujet d’effets secondaires aussi sérieux que détresse respiratoire et décès, survenus aux États-Unis, surtout chez des enfants atteints de paralysie cérébrale chez qui on voulait soulager la spasticité de certains membres. La FDA n’approuve pas encore cette indication. Santé Canada y allait d’un avis semblable 12 jours plus tard. L’Union européenne émettait aussi des mises en garde à l’intention des professionnels de la santé au printemps 2007. Aucune institution n’est allée jusqu’à en empêcher l’utilisation.

Mais un an plus tard, soit à la mi-janvier 2009, Santé Canada émettait un autre communiqué, cette fois beaucoup plus sérieux. La monographie du produit inclura désormais la mention du risque de dispersion de la toxine dans d’autres parties du corps.

À quoi sert le Botox

Le Botox est une protéine purifiée extraite de la bactérie Clostridium botulinum, la même qui sécrète la toxine du botulisme, une maladie très grave, parfois mortelle, qui s’attrape en mangeant des conserves avariées ou, plus rarement, après qu’une plaie ouverte a été contaminée par la bactérie. De plus en plus, on utilise la protéine purifiée à des fins médicales et cosmétiques. En fait, on lui découvre sans cesse de nouvelles applications.

Mais l’avis de Santé Canada signale que si la toxine se répand dans d’autres parties du corps, un affaiblissement musculaire, des problèmes de déglutition, une pneumonie, des troubles de la parole ou des difficultés respiratoires peuvent survenir et même entraîner la mort. Il n’y a pas eu de cas au Canada.

Le BotoxMD a d’abord été développé et commercialisé au début des années 1990 pour traiter des muscles qui bougent involontairement: blépharospasme (mouvement involontaire des paupières), strabisme, trouble du nerf facial, dystonie cervicale (mouvement involontaire de la tête), paralysie cérébrale, spasticité invalidante, dysphonie spasmodique (perte de la voix) et transpiration excessive des mains, des pieds et des aisselles.

Le médicament peut aussi servir à relaxer certains muscles après un accident vasculaire cérébral, ou en présence de sclérose en plaques, de paralysie cérébrale et de traumatisme crânien. La recherche se poursuit, si bien que d’autres spécialités médicales étudient actuellement le potentiel du Botox sur la douleur, la migraine, etc. Un médecin montréalais a même freiné l’hypersalivation chez un enfant à l’aide de Botox. Les nouvelles indications doivent encore être officiellement approuvées. Santé Canada n’approuve son utilisation au pays, pour le moment, que pour les spasmes musculaires du cou, des yeux et des pieds, ainsi que pour la sudation excessive.

Depuis 2001, le Botox CosmeticMD se répand dans les cabinets de chirurgie esthétique, chez les dermatologues et chez certains omnipraticiens, infirmiers et infirmières, essentiellement pour traiter rides, pattes d’oie et autres «imperfections» du visage. C’est d’ailleurs la seule utilisation que permet Santé Canada à des fins cosmétiques.

Les effets secondaires

Pour rétablir une fonction

Une partie de la clientèle de la neurologue Anne-Louise Lafontaine, rattachée à l’Hôpital général de Montréal, a recours au BotoxMD pour différents problèmes neuromusculaires. «Il faut toujours un but au traitement, explique-t-elle. La spasticité n’est pas suffisante: il faut qu’elle cause un problème, empêche une fonction. Par exemple, la main incapable de relâcher un verre. En injectant le Botox dans les muscles en cause, on détend le spasme aberrant et l’on redonne le contrôle du mouvement.»

Mais l’effet n’est pas permanent: le corps finit par synthétiser, puis éliminer la protéine purifiée. Pour toutes les dystonies (mouvements involontaires des muscles), le traitement est à répéter aux trois à quatre mois environ. Les patients doivent être suivis à long terme pour voir si le traitement fonctionne. «Dès que l’effet commence à régresser, on fait une autre injection, explique Anne-Louise Lafontaine. Souvent, il faut un traitement à vie.»

Selon des études faites sur 10 ans, il semble que le Botox produise toujours le même effet sans que l’on doive en augmenter la dose. Personne ne sait quel en est l’effet à long terme. «Nous discutons toujours des effets secondaires possibles et des bénéfices avec les patients, dit-elle. Jusqu’à maintenant, tous mes patients reviennent parce qu’ils sont contents des résultats.»


Les effets secondaires

Sans entrer dans le détail, les effets secondaires sont de l’ordre des «dommages collatéraux»! On veut par exemple relaxer un muscle précis, mais si le médicament est injecté légèrement à côté de la cible, on atteint par accident un muscle voisin... Ainsi, les patients qui se font injecter du Botox dans la région des cordes vocales éprouvent à l’occasion certains problèmes de déglutition.

Mais il existe des cas plus sérieux où le Botox a probablement quitté le site d’injection pour migrer ailleurs dans le corps. Le Public Citizen Health Research Group fait état de problèmes de santé s’apparentant au botulisme: dysphagie (difficulté à avaler), faiblesse musculaire, pneumonie. Selon les données de ce groupe américain d’intérêt public, qui a analysé la base de données de la FDA sur les effets secondaires du Botox, il y aurait eu, entre novembre 1997 et décembre 2006, 180 cas sérieux aux États-Unis, avec 16 mortalités et 87 hospitalisations. Ces données concernent le Botox à usage médical, où l’on utilise des doses plus fortes, selon le poids corporel.

En ce qui concerne l’usage cosmétique, il y aurait eu, durant la même période, quelques cas de faiblesse musculaire, mais aucun cas de dysphagie. Santé Canada ne déplore pour le moment aucun événement dramatique avec le Botox au pays. «Aucun cas confirmé de dispersion de la toxine liée aux produits Botox ou Botox Cosmetic n’a été signalé au Canada», a écrit Santé Canada en janvier 2009.

Côté esthétique

Côté esthétique

Le Dr Guy Sylvestre, dermatologue, injecte du Botox CosmeticMD à ses patients depuis 2002. Selon lui, les microdosages que l’on utilise en applications cosmétiques réduisent considérablement les risques. Les effets secondaires peuvent être de l’ordre d’une ecchymose au site d’injection, si la piqûre a été mal faite. Il arrive aussi qu’en voulant détendre le muscle à l’origine du froncement des sourcils, la paupière descende en raison d’une injection trop près de l’orbite. Le même phénomène peut toucher un sourcil après avoir piqué trop bas le muscle frontal pour le détendre. Puisque la durée d’action du Botox est limitée dans le temps, l’action indésirable est également temporaire. Mais une fois la piqûre faite, on ne peut revenir en arrière. Il faut patienter!

Le Dr Sylvestre s’en tient à un usage réduit du Botox. «On ne paralyse pas l’expression d’un acteur qui veut moins de lignes dans la partie supérieure du visage, on ne fait que détendre sa musculature, explique-t-il. Il faut conserver mouvement et mobilité de l’expression, en plus d’un certain naturel.»

L’amélioration devient perceptible après deux semaines. Selon le dermatologue, parce qu’une région du visage se trouve détendue, donc pas constamment en train de se contracter, il finit par y avoir lissage de la peau selon un effet mémoire doublé d’une certaine reconstruction du collagène. «Avec le temps, deux traitements par année peuvent suffire», soutient-il.

Selon une étude anglaise menée sous la direction des Drs Carter Singh, psychologue, et Martin Kelly, chirurgien plastique, presque un patient sur deux éprouve un désir compulsif de recevoir d’autres traitements cosmétiques de Botox. Il s’agit selon eux de dépendance psychologique. Les utilisateurs ne paraissent pas seulement plus jeunes, ils se sentent plus jeunes aussi. Ils veulent conserver le bien-être qu’ils associent à leur apparence et retournent donc volontiers pour une autre injection. Le Dr Sylvestre ne nie pas cette dépendance et indique qu’elle existe souvent, aussi, à l’égard du coiffeur.

Usage sécuritaire

Usage sécuritaire

Santé Canada recommande de rester très prudent avec les produits de santé botuliniques. Quiconque éprouve de la difficulté à avaler, à parler ou à respirer après avoir reçu du Botox médical ou cosmétique devrait immédiatement contacter un médecin. «Toute personne ayant des antécédents de troubles neurologiques, de difficulté à avaler ou de problèmes respiratoires devrait faire preuve d’une extrême prudence à l’égard de ces produits, écrit Santé Canada. Pour ces personnes, l’administration des produits Botox et Botox Cosmetic doit se faire sous la supervision d’un spécialiste, et ce, uniquement si les avantages l’emportent sur les risques.»

Selon le Dr Sylvestre, le Botox est un marché si lucratif que des gens sont tentés d’en injecter sans posséder les compétences requises, à la suite d’une formation beaucoup trop courte. «J’ai formé des médecins qui le font maintenant très bien parce qu’ils ont eu le sérieux de s’offrir une bonne formation», dit-il. Le Botox n’est pas réservé aux spécialistes de la chirurgie plastique ou aux dermatologues; médecins et infirmières peuvent injecter du Botox cosmétique pourvu qu’ils aient été formés avec soin.

Pour la Dre Anne-Louise Lafontaine, s’en tenir aux indications permises au Canada et aux doses recommandées permet d’utiliser le Botox de façon sécuritaire. Elle ne déplore d’ailleurs aucun effet secondaire important ou dramatique chez ses patients.

La FDA rappelle que les doses cliniques de Botox, exprimées en «unités», diffèrent totalement d’un produit à l’autre, si bien qu’il faut rester très prudent. Par ailleurs, les professionnels de la santé qui injectent du Botox doivent toujours avertir leurs patients de consulter sans faute, et rapidement, s’ils éprouvent de la difficulté à avaler, à parler, à respirer et s’ils éprouvent de la faiblesse musculaire.

Les symptômes du botulisme

Vision double ou brouillée, difficulté à parler, puis à avaler, bouche sèche et fatigue. Quand les nerfs sont ensuite atteints, visage, tête, gorge, poitrine et extrémités paralysent. Arrive ensuite la paralysie des muscles respiratoires, qui peut entraîner la mort. Il existe un antidote (antitoxine) qui ne peut faire disparaître les effets de la maladie, mais plutôt prévenir les atteintes neurologiques ultérieures.

Mise à jour: avril 2009

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