Défiez le diabète!

Défiez le diabète!

Par Isabelle Bergeron

Crédit photo: Arek Adeoye via Unsplash

Le diabète de type 2 se donne des airs un peu banals, comme s’il n’était pas si grave. Et pourtant, cette maladie est un vrai fléau… Heureusement, on a des armes pour la combattre! 

Entre 2006 et 2016, les cas de diabète de type 2 ont augmenté de 72 %, et on prévoit que, d’ici 2026, ils connaîtront une hausse d’encore 40 %. Ce qui signifie que près de 14 millions de Canadiens en seront atteints… Par chance, on peut renverser la vapeur, car c’est une des maladies sur lesquelles on a le plus de contrôle. «Le diabète, cette maladie encore sous-estimée, est plus sérieux que la plupart des cancers pour la santé de la population, estime le DAndré Carpentier, endocrinologue et professeur à l’Université de Sherbrooke, dont les travaux de recherche portent sur le diabète. Les complications liées à cette maladie placent les gens dans un état misérable. Si on en est atteint à 40 ans, par exemple, on perd sept ans de sa vie, comme les fumeurs.»

Les maladies cardiaques en sont la principale complication, et la cause numéro un de décès chez les diabétiques (4 sur 10). Problèmes oculaires, troubles nerveux, état dépressif, maladies des os, de la peau, des reins, hypertension, infections, apnée du sommeil, dysfonction érectile: le spectre des conséquences potentielles est large et pour le moins aliénant. 

Miser sur la prévention

Directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal, le Dr Martin Juneau dirigera la future Clinique de prévention du diabète, mise sur pied prochainement, qui ciblera l’élément principal de la prévention: notre mode de vie. «L’obésité augmente et le diabète aussi, nécessairement, observe-t-il. Au Québec, environ 800 000 personnes sont atteintes du diabète et, au train où vont les choses, un jeune qui a 20 ans aujourd’hui court une chance sur deux d’être diabétique.» Que faire, alors, pour améliorer la situation?


On mange bien. «Le sucre concentré, comme le fructose, se transforme en gras de mauvaise qualité dans le corps, note le Dr Carpentier. Si on a tendance à manger beaucoup de gras saturés, c’est tout aussi nocif. Et si notre régime est composé des deux, c’est désastreux!» Aucun mystère ici: un menu accordant une grande part  aux légumes, aux fruits et aux fibres devrait constituer la base de notre alimentation. Mieux vaut faire attention aussi à notre consommation de sel et d’alcool (1 verre ou moins par jour pour une femme, de 1 à 2 verres pour un homme). Selon le Dr Juneau, 95 % des cas de diabète de type 2 sont liés au surpoids. «Si une personne perd ne serait-ce que 2 kg et qu’elle maintient cette perte sur au moins 10 ans, ses risques de développer le diabète diminueront de 30 %!» ajoute le DCarpentier.

On bouge. Au moins 150 minutes par semaine d’activité modérée ou vigoureuse. On se motive en se rappelant qu’une heure après, notre glycémie aura déjà diminué et que l’exercice en favorise grandement le contrôle à plus long terme. Il contribue aussi, bien entendu, à maintenir notre poids ou à en perdre. En prime, l’exercice fait du bien au moral, réduit les risques de complications si on est diabétique, diminue la pression artérielle, fait baisser le cholestérol et rend nos muscles et nos os plus forts!

On ne fume pas. Tout comme le diabète, le tabac affecte les vaisseaux sanguins et augmente la résistance du corps à l’insuline. Bien que le fait de fumer ne cause pas directement le diabète, plusieurs études démontrent que les fumeurs développent plus fréquemment la maladie. À lire: Cesser de fumer, je m’y prépare (sur le site chumontreal.qc.ca, on tape «diabète cesser de fumer» dans le moteur de recherche). 

On vérifie notre taux de glycémie. À partir de 40 ans, on devrait passer un test de glycémie à jeun, qu’on ait des symptômes ou pas, ainsi qu’un test d’hémoglobine glyquée. Si on est à risque (âge, groupe ethnique, hérédité, maladie cardiaque, etc.), on devrait alors passer ce test tous les ans (ou tous les deux ou trois ans) ou même plus, selon l’avis de notre médecin.

On fait des suivis. Si on a le diabète, un suivi plus serré avec notre spécialiste sera évidemment nécessaire. Certains médecins conseilleront un rendez-vous tous les trois mois pour faire l’état de la situation. Un test d’hémoglobine glyquée sera souvent demandé à la même fréquence. D’autres tests (bilan ophtalmologique, taux de cholestérol sanguin, analyse d’urine pour mesurer l’albumine, etc.) devront aussi être passés sur une base régulière. Il est très important d’y être fidèle si on veut éviter les complications liées à la maladie. 

À lire: Comment se débarrasser du diabète de type 2 sans chirurgie ni médicament, par Normand Mousseau (Boréal, 22,95 $).

On surveille nos pieds

On a les pieds tout engourdis et qui fourmillent? Chez les diabétiques, il s’agit des premiers signes de la neuropathie diabétique, une complication qui affecte les tissus nerveux de l’organisme une fois sur deux, surtout ceux des membres inférieurs. Ses conséquences? Sensation de brûlure, engourdissement, diminution ou perte de sensibilité à la douleur, au chaud et au froid, avec parfois des blessures qui s’infectent sans qu’on s’en rende compte, risquant d’entraîner la gangrène, voire une amputation. En 2011-2012, quelque 2000 personnes ont dû être amputées à cause de cette affection. Pour éviter d’en arriver là, certains gestes sont indispensables:

Inspecter minutieusement nos pieds chaque jour avec un miroir ou l’aide d’une autre personne.

Couper nos ongles régulièrement. 

Bien sécher nos pieds après s’être lavé (on évite l’eau trop chaude) et bien les hydrater.

Porter des bas et des chaussures bien ajustées.

Consulter un médecin ou un podiatre chaque année ou dès qu’on remarque une anomalie.

Éviter de fumer. 

S’assurer de réguler notre glycémie.  

Pour d’autres mesures préventives, on se procure le dépliant Le diabète et le soin des pieds à diabete.qc.ca. 

On observe nos yeux

L’excès de sucre dans le sang fait épaissir et durcir les vaisseaux sanguins irriguant les yeux, qui, par conséquent, ne peuvent plus le faire adéquatement. On risque alors d’éprouver différents problèmes oculaires, comme le glaucome, la cataracte ou la rétinopathie – une affection qui touche un demi-million de Canadiens et qui multiplie par 25 les risques de cécité comparativement aux personnes non diabétiques.

«Si on a été diagnostiqué, on doit absolument passer un examen des yeux chaque année», insiste la Dre Mona Harissi-Dagher, ophtalmologiste. Notre vision commence à devenir floue, embrouillée, et on voit des points noirs? Nos yeux sont déjà probablement atteints par la maladie. Si rien n’est fait, oui, il y a des risques de cécité. «Et ça peut se produire graduellement ou survenir de façon très subite, note la Dre Harissi-Dagher. Les gens ne répondent pas tous de la même façon à la maladie.»

Cela dit, des traitements existent pour ralentir la progression des effets du diabète sur les yeux: laser, gouttes, médicaments injectés ou chirurgie. «On peut parvenir à réduire les symptômes et à garder la rétine assez saine, mais si cette dernière est touchée, ça devient plus difficile», souligne l’ophtalmologiste. Le meilleur espoir reste la prévention, qui permettrait d’éviter 95 % des troubles oculaires liés au diabète.

Selon les recommandations de l’Association canadienne des optométristes, tout le monde devrait passer un examen de la vue tous les deux ans à partir de 40 ans, et une fois par année à partir de 65 ans. «Grâce à un examen des yeux, il arrive qu’on décèle le diabète avant même qu’une personne s’en sache atteinte!» affirme la Dre Harissi-Dagher. En outre, plus on détecte tôt les troubles de la vue causés par le diabète, plus les traitements seront efficaces. Le contrôle du diabète est par ailleurs essentiel pour prévenir les complications. On n’oublie pas non plus que le tabagisme, la consommation d’alcool et l’hypertension augmentent les risques de développer une rétinopathie. 

Pour en savoir plus: dans le moteur de recherche de l’Association canadienne des optométristes, sur le site opto.ca, on tape Le diabète et vos yeux.

 

Des traitements innovants

Si les bandelettes mesurant la glycémie, les pompes et injections d’insuline sont toujours utilisées par plusieurs diabétiques, les avancées des traitements sont néanmoins spectaculaires. «Avant, il n’existait que trois classes de médicaments; aujourd’hui, on en compte une quinzaine, confirme le Dr André Carpentier. On retrouve désormais des médicaments – parfois sous forme d’injection – pour contrôler le poids ou protéger le cœur.» Certains favoriseraient une perte de poids, d’autres réduiraient même les risques de mortalité associés au diabète.

Chaque année, des milliards sont investis à travers le monde pour la recherche sur le diabète. Des traitements prometteurs émergent, de nouvelles molécules et de nouvelles insulines se raffinent, permettant des traitements plus ciblés de la maladie, avec moins d’effets secondaires. Même la technologie travaille en ce sens: monitorage continuel de la glycémie et transmission des données vers un téléphone intelligent, administration d’insuline automatisée, applications pour emmagasiner des données... «Mais attention, nuance le Dr Carpentier: on aura beau prendre les meilleurs médicaments offerts, si la base n’est pas là, c’est-à-dire une bonne hygiène de vie, ça ne servira à rien.»

Pour en savoir plus: Diabète Québec, à diabete.qc.ca, ou Prévention diabète, à preventiondiabete.ca.

Suis-je en prédiabète?

Juste avant que le diabète s’installe, on observe ce qu’on appelle le prédiabète: le taux de glycémie est alors plus haut que la normale (entre 6,1 et 6,9), sans qu’il soit toutefois vraiment problématique (7 ou plus). On peut être prédiabétique pendant 10 ans, mais 80 % des prédiabétiques développeront inévitablement la maladie. Un Québécois sur cinq serait prédiabétique et plusieurs l’ignorent. Comme le prédiabète ne présente pas de symptômes, il faut passer des tests sanguins pour en avoir le cœur net. Cela dit, certains facteurs de risque devraient nous alerter. Par exemple…

Un de mes parents est diabétique.

J’ai plus de 40 ans. 

Je suis en surpoids. 

J’ai fait du diabète de grossesse. 

J’ai eu un bébé de plus de 9 livres. 

Je suis d’origine autochtone, asiatique, africaine ou latino-américaine. 

Je suis sédentaire. 

Je souffre d’une autre maladie (hypertension, cholestérol élevé, maladie cardiaque…)

Je ne m’alimente pas très bien. 

Si on a coché certaines de ces affirmations, on en glisse un mot à notre médecin. Cela en vaut vraiment la peine: «On a remarqué que si les personnes prédiabétiques perdaient un peu de poids et adoptaient de bonnes habitudes de vie, les risques de développer le diabète diminuaient de 50 à 60 %, et même jusqu’à 90 % dans certains cas», affirme le Dr André Carpentier. 

Diabétique sans le savoir

Environ le quart des Québécois diabétiques ignoreraient leur condition. Il est possible qu’ils n’aient aucun symptôme, mais aussi qu’ils ne les reconnaissent pas. Voici les principaux: 

une soif inhabituelle;

une envie fréquente d’uriner;

une variation du poids (gain ou perte);

une fatigue extrême ou un manque d’énergie;

une vision trouble;

des infections fréquentes ou récurrentes;

des coupures et des ecchymoses qui guérissent lentement;

des fourmillements ou des engourdissements dans les mains ou les pieds;

une difficulté à obtenir ou à maintenir une érection.

Type 1 ou type 2?

Dans le cas du diabète de type 2, le pancréas produit de l’insuline, mais celle-ci est mal utilisée par le corps. Elle ne fait pas le travail pour lequel elle existe, soit réguler le sucre dans l’organisme. Le diabète de type 1, lui, est une maladie auto-immune touchant 10 % de la population, surtout des jeunes. Dans ce cas, le pancréas ne produit pas du tout d’insuline, ce qui oblige les gens à s’en injecter plusieurs fois par jour. 

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