L’escalier

L’escalier

Par Jean-Louis Gauthier

Roch Voisine aura 50 ans cette année. En mars, plus précisément, avec l’arrivée du printemps. C’est ce que nous apprend notre journaliste Betty Achard qui trace son portrait dans le présent numéro. Cinquante ans ! Une jeunesse, ce Voisine !

Je me suis souvenu, en lisant l’article de Betty, d’une conversation que j’avais eue avec mon père il y a quelques années. Nous parlions de la vie, du temps qui passe.

–Au fait, quel âge as-tu maintenant ? m’avait-il demandé tout à coup, lui qui n’était guère doué pour retenir les dates de naissance et les anniversaires. Je venais justement d’avoir 50 ans.

-Cinquante ans ? Ah, tu es encore une jeunesse ! avait-il laissé tomber – lui, à ce moment-là, s’en allait sur ses 85 ans. Une jeunesse !

 

Je n’étais pas du tout de son avis. Cinquante ans, ce n’est plus vraiment jeune. J’avais l’impression que le temps m’était compté. Je me sentais un peu comme un alpiniste qui, arrivé au sommet d’une montagne, voit tout à coup le paysage s’étaler à ses pieds avec, au fond, la ligne d’horizon. L’horizon ! La fin ! L’ultime limite ! C’est cela ! J’étais maintenant arrivé sur l’autre versant, celui qui va descendant.

Depuis, j’ai eu mille fois l’occasion de revoir mes positions sur l’âge et le temps qui passe. Et, aujourd’hui, du haut de mes 64 ans, je me dis que mon père avait raison, mille fois raison : 50 ans, c’est jeune, même très jeune ! Et je ne vois plus la vie comme une montagne avec ses deux versants, celui qui va montant, celui qui va descendant, mais plutôt comme un escalier que l’on monte, jour après jour, et dont chacun des paliers est une conquête sur soi-même.

Car le vrai défi, peu importe notre âge, est de savoir profiter de chacun des paliers de la vie, sinon de chaque instant.

Mais il faut pour cela oublier son âge justement, ce fameux chiffre buriné dans nos têtes et qui, trop souvent, à cause d’idées toutes faites, vient nous mettre des bâtons dans les roues.

Ah ! si jeunesse savait et si vieillesse pouvait ! se désole-t-on parfois en regardant les années qui se sont accumulées… « Profitez pleinement de la vie, de chaque instant, car tout cela ne reviendra pas ! » a-t-on envie de dire aux plus jeunes. Tout ça en oubliant, dans notre profonde sagesse, nous qui croyons avoir beaucoup vécu et appris de la vie, de nous servir d’abord la leçon à nous-mêmes.

Tous les chercheurs qui se sont penchés sur la question du bonheur sont parvenus à la même conclusion : le bonheur, ce sentiment de plénitude et de satisfaction, n’a rien à voir avec la jeunesse, la beauté, l’argent ou la gloire. Non ! Les personnes les plus heureuses sont celles qui savent oublier leur âge et qui, plutôt que de regretter leurs 20 ans et de se concentrer sur ce qu’elles n’ont plus, mettent l’accent sur ce qui leur reste et continuent à avoir des projets.

Autrement dit, il n’y a pas d’âge pour aimer la vie, se réaliser et s’accomplir.

 

Un escalier, disais-je. Une montée ! Une ascension ! Une conquête dont chacune des étapes réserve son lot de découvertes et de nouveautés.

On a l’âge de son coeur, dit-on. On a surtout l’âge de ses désirs, de ses envies, des rêves que l’on ose enfanter.

 

C’est la grâce que je vous souhaite ! Bonne année à vous tous ! 

Jean-Louis Gauthier, Rédacteur en chef

jean-louis.gauthier@bayardcanada.com

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